RUGERERO, RWANDA — En apprenant que ses trois enfants étaient la proie de la malnutrition, Vestine Umwanankundi a été submergée par l’inquiétude de ne pas se permettre d’acheter la quantité de nourriture nécessaire pour sauver leur santé.
« Avant, je croyais que ce qui comptait pour mes enfants c’était la quantité de nourriture et ainsi je leur donnais des patates douces et des haricots tous les jours, matin, midi et soir », dit-elle.
D’autres mères de son village près de Gisenyi, ville rwandaise frontalière avec la République démocratique du Congo, sont intervenues et lui ont appris que la nutrition consiste en une alimentation composée d’une variété d’aliments sains.
« Grâce à ce que j’ai appris auprès d’autres femmes et contrairement à ce que je pensais, je sais que bien nourrir les enfants n’a rien à voir avec beaucoup d’argent car je peux même cueillir des légumes, des feuilles de manioc (sombe) et des feuilles d’épinards dans un jardin chez moi ou chez mes voisins sans toutefois dépenser un sou », explique Umwanankundi.
Ses voisines se sont portées volontaires pour l’aider lorsqu’elles ont remarqué que son enfant de 2 ans montrait des signes de malnutrition après avoir été abandonnée par son mari. « Parfois, nous ne pouvions nous permettre de manger une fois par jour que grâce au bon-samaritanisme de nos voisins », affirme-t-elle.
« Mon fils venait juste d’avoir 2 ans et ses joues et son abdomen ont commencé à devenir gonflés. Et pourtant, je n’y voyais rien d’anormal jusqu’à ce que l’un de mes voisins me dise que mes enfants étaient victimes du kwashiorkor, » se souvient-elle, faisant allusion au nom courant d’une forme de malnutrition mortelle qui survient par manque de protéines.
Quoique la malnutrition continue de sévir et d‘affecter de nombreux enfants rwandais, le pays ne se croise pas les bras. Selon le rapport d’analyse intégrale de la sécurité alimentaire et de la vulnérabilité réalisée par le ministère rwandais de l’Agriculture et le Programme alimentaire mondial, les taux de malnutrition chez les enfants de moins de 5 ans ont fléchi à 36,7% en 2015, contre 43% en 2012.
Dans ce rapport, on peut lire que quoique le problème connaisse une baisse, la malnutrition chronique demeure constamment élevée surtout en milieu rural et que ce genre de malnutrition entraîne avec elle une incidence permanente sur le développement du cerveau. Au nombre des facteurs contribuant à la malnutrition chez les jeunes enfants figurent la pauvreté, le manque d’éducation et la pénurie de terres agricoles.
Pour éduquer les familles, le ministère rwandais de la Santé, en collaboration avec les centres de santé et les conseillers en santé communautaire, a initié un certain nombre de programmes, y compris Igikoni cy’umudugudu (cuisine du village) où les femmes apprennent à cultiver et à préparer des aliments riches en vitamines pour leurs enfants. Cette cuisine est intégrée dans la campagne baptisée «1000 jours» pour s’assurer que les enfants bénéficient d’une nutrition nécessaire à leur développement sain pendant les premiers 1000 jours cruciaux pour leur vie.
Comme l’affirme Alexia Murekatete, conseillère en santé communautaire, au cours des séances de cuisine du village, les femmes du quartier apportent des denrées alimentaires telles que les légumes, les pommes de terre, les fretins, les petites sardines séchées comme les poissons lacustres argentés (plus connus dans la langue locale sous le nom de « ndagala ») et les fruits pour aider les autres.
« Les mères sont réunies pour apprendre ensemble à préparer et à combiner les aliments pour faire des repas équilibrés en vue de la protection de leurs enfants contre les maladies dues à la malnutrition,» dit-elle. « Nous espérons que nos enfants ne seront plus victimes de la malnutrition parce que les parents commencent à comprendre que bien nourrir l’enfant n’exige pas que les parents soient des magnats ».
Madeleine Ndererimana, 33 ans, a aidé Umwanankundi à trouver des solutions peu coûteuses.
« Chaque fois que je voyais ses enfants souffrir du kwashiorkor, j’éprouvais pour eux une pitié infinie. Ainsi donc, j’ai décidé de voler au secours de leur mère en l’aidant à faire un petit jardin potager à la maison et cela les a vraiment été très utile », relate-t-elle.
Sa voisine Diane Ingabire, mère de quatre enfants, a révélé un secret qui n’est rien d’autre que de songer aux protéines pour lutter contre la malnutrition.
« Si je n’avais pas été plus prudente, mes filles jumelles seraient déjà mortes », assure-t-elle. «J’ai pris de petites sardines séchées comme les poissons lacustres argentés (Ndagala) que j’ai écrasées en poudre pour m’en servir comme additif nutritionnel pour chaque repas. En fait, il n’a suffi que quelques jours pour que les signes de malnutrition ne prennent la poudre d’escampette».
Blisse Kampire, chargée de santé communautaire au centre de santé de Murara, fait savoir qu’elle rencontre des mères sur les sites de vaccination tous les mois et leur apprend à aider leurs enfants à rester en bonne santé dans le cadre de l’initiative des «1000 jours».
« Je profite des journées de vaccination pour leur apprendre comment prendre soin de leurs enfants, surtout en leur disant que bien s’alimenter ne rime pas forcément avec dépenser de gros sous», commente Kampire.
Chaque famille rentre à la maison avec un paquet contenant de la poudre riche en vitamine A, vitamine C, vitamine D3 vitamine E, vitamine B1, vitamine B2, niacinamide, pyridoxine (vitamine B6), vitamine B12, acide folique, fer, zinc, iode et en sélénium. Cette poudre est mélangée avec un repas tiède avant de la donner à l’enfant trois fois par semaine, » ajoute Kampire.
D’après Nicolas Mugisha, chargé de la santé environnementale dans le district de Murara, le problème est que certains parents pointent du doigt d’autres forces plutôt que de s’en prendre à la malnutrition ou à la maladie.
« Quand l’enfant commence à montrer des signes de malnutrition, ses parents pensent immédiatement à la sorcellerie au lieu de s’attaquer au vrai problème », regrette Mugisha. « En tout cas, c’est vraiment un grand problème qui ronge notre société ».
Vestine Umwanankundi, aujourd’hui ambassadrice d’autres femmes de sa communauté, affirme qu’elle a fini par comprendre que la connaissance est la clef d’une vie meilleure.
« Avant, je ne savais même pas ce que voulait dire le mot « vitamine », souligne-t-elle. « Mais aujourd’hui, je dois, avant de nourrir mes enfants, m’assurer que les aliments sont riches en vitamines ».
Adapté à partir de sa version originale en français par Ndayaho Sylvestre, GPJ.