RURAMBO, RWANDA — Des champs de maïs emplissent une large vallée dans la grande partie de l’ouest de ce pays riche en terres agricoles fertiles. Des bords longés par des rigoles remplis d’eau, voilà ce qui caractérise tous ces champs.
Autrefois, l’agriculture bio était la seule connue ici. Or aujourd’hui, les habitants usent des engrais chimiques pour nourrir leurs cultures.
Le gouvernement, par le biais du Ministère de l’Agriculture et des Ressources animales et l’Office rwandais de Développement agricole, a mis ces champs dans sa ligne de mire pour la culture de nouvelles variétés de maïs hybride. Et il en est de même pour certaines autres superficies.
Or, la culture de ces nouvelles variétés n’est pas une mince besogne et attire des vagues de visites de surveillance de la part du gouvernement, révèlent les agriculteurs.
« Je ne pense pas que cette nouvelle espèce de graines soit la meilleure », s’inquiète Immaculée Bamporineza, agricultrice. « Il y a deux mois que l’on a planté, on vient d’y mettre des engrais chimiques deux fois et voilà que les insectes l’attaquent. Et pourtant, nous étions habitués à cultiver des graines qui ne nous coûtaient rien et nos engrais naturels étaient toujours là ».
Il y a trois ans, ce programme était lancé pour attirer tous les producteurs de maïs et de soja de cette nation à la culture des variétés hybrides pour réduire l’état de dépendance du pays à l’égard des importations.
Aujourd’hui, le gouvernement débourse environ 5,5 milliards de francs rwandais par an pour importer des semences de maïs, de blé et de soja, explique Cyprien Bazimaziki, agronome au sein de ce programme.
Le gouvernement rwandais, lui, nourrit l’espoir de produire au moins 70 pourcent des semences d’ici 2021, déclare-t-il.
Malgré sa main d’œuvre nombreuse et ses terres arables en abondance, le Rwanda importe plus de nourriture qu’il n’en exporte et le fossé entre les importations et les exportations ne cesse de se creuser. Toutefois, un programme mis en place pour booster la production de maïs au Malawi suscite l’espoir de renverser cette tendance. Dans ce pays, la production de maïs a doublé en 2006 et presque triplé en 2007. Pour ce programme, le choix était porté sur l’utilisation des semences de maïs hybride dont le rendement a été de 10 à 25 pour cent plus élevé que celui des semences non hybrides.
On observe déjà des signes d’accélération de la production de maïs au Rwanda. Et pour preuve, le rendement de cette culture a augmenté de 650 pourcent entre 2004 et 2013, lit-on dans une analyse réalisée par le Centre pour la mondialisation, la gouvernance et la compétitivité de l’Université Duke.
Pourtant, de l’avis des agriculteurs, ce programme les a placés sous la férule du gouvernement. Des autorités, disent-ils, arrivent et surveillent leurs champs pour s’assurer de l’utilisation de ces semences. Les agriculteurs dont les champs font partie des superficies réservées pour ces nouvelles variétés et qui refusent de participer au programme risquent de perdre leurs champs, bien que Bazimaziki affirme qu’aucun champ n’a été confisqué. Et la culture de ces nouvelles variétés exige des méthodes agricoles modernes dont l’utilisation d’engrais chimiques.
Selon Soltine Nyiramahirwe, fille adulte de Bamporineza, l’obligation par le gouvernement de cultiver ces graines hybrides uniquement n’a rien de réaliste.
« Ils oublient que des oiseaux peuvent apporter d’autres espèces de graines dans nos champs », déplore-t-elle.
Certains agriculteurs espèrent que ce programme pourra, au bout du compte, leur être profitable.
Ayant toujours été un grand acheteur de maïs produit localement, le gouvernement propose un prix plus élevé pour le maïs cultivé sur ces superficies réservées, explique Joseph Nkurunziza, agriculteur et l’un des coordinateurs du programme.
Le prix régulier pour un kilo de maïs est de 150 à 200 francs, annonce-t-il. L’Office rwandais de Développement agricole offre 600 francs par kilo de maïs hybride.
Bazimaziki affirme que le programme entend distribuer cette variété de maïs partout dans le pays.
« Cela prendra du temps pour que l’impact soit visible. Mais, petit à petit, la population finira par comprendre car ce programme continuera à multiplier d’autres cultures de base », a-t-il conclu.
Adapté à partir de sa version originale en français par Ndahayo Sylvestre, GPJ.