Democratic Republic of Congo

Face aux infrastructures hydrauliques en mauvais état, l’épidémie de choléra fait des morts surtout parmi les enfants

Dans un village au nord de Goma, des organisations sanitaires peinent à lutter contre une épidémie de choléra causée par une saison sèche prolongée et un manque de précipitations. Entre autres actions, elles procèdent aux livraisons d’eau potable et à l’éducation communautaire. Les fruits sont visibles, mais les habitants craignent que le retour des épidémies à l’avenir ne devienne leur inéluctable destin si le gouvernement ne fait rien contre le manque d’infrastructures hydrauliques dans le village.

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Worsened by Poor Water Infrastructure, New DRC Cholera Outbreak Claims Mostly Children

Esther Nsapu, GPJ DRC

Dix à 15 personnes par jour sont placées en quarantaine en raison de l’épidémie de choléra dans le quartier de Majengo à Goma. L’épidémie a jusqu’à présent fait des morts surtout parmi les enfants de moins de 10 ans.

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KANYARUCHINYA, RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO — Faute de pluies, une épidémie de choléra a déjà fait 17 victimes.

Le village de Kanyaruchinya se trouve à 10 kilomètres au nord de Goma, chef-lieu de la province du Nord-Kivu en RDC. La majorité des 2 600 ménages du village sont dépourvus d’eau courante. Plus grave à cause d’une saison sèche prolongée et des conditions semblables à celles de la sécheresse, une épidémie de choléra qui s’est déclarée au début de juillet a déjà causé 15 décès, la plupart parmi les enfants de moins de 10 ans. Et plus de 3 312 cas ont été dénombrés.

Cécile Sinunvayo est confrontée à la perte de sa bambine de six ans décédée le 10 juillet des suites de la maladie.

Comme pour ne pas déroger à la pratique de bien d’autres parents ici, elle n’a pas emmené sa fille d’urgence à l’hôpital quand elle a présenté les signes de la maladie. Elle a plutôt choisi de se procurer des médicaments auprès d’une pharmacie locale pour soigner ce qu’elle pensait être la cause profonde (Lisez notre récit sur l’automédication en RDC ici.)

« J’ai emmené ma fille dans un centre de santé de proximité avec l’aide de mes voisins, mais la maladie a fini par faucher sa vie. Il était trop tard pour la sauver », déplore Sinunvayo, agricultrice et mère de cinq autres enfants. « Elle est morte dans mes bras ».

L’accès à l’eau courante n’est qu’un rêve chimérique pour la plupart des habitants de Kanyaruchinya. Des communautés misent sur la collecte des eaux de pluie pour faire la cuisine, se doucher, laver la vaisselle et se désaltérer. Mais la persistance d’une saison sèche a été à l’origine de la recrudescence du choléra, ce qui a poussé les responsables sanitaires à instaurer en juillet une mise en quarantaine dans le quartier de Majengo à Goma. Selon les autorités, le nombre de nouveaux cas dans la zone de quarantaine diminue grâce aux livraisons d’eau effectuées par la MONUSCO, mission onusienne de maintien de la paix dans la région, deux fois par semaine. Seulement, les responsables de la MONUSCO affirment que cette mission philanthropique ne relève pas de leur cahier des charges, laissant ainsi augurer peu d’espoir quant à la continuité de la livraison.

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Esther Nsapu, GPJ DRC

La fille de Cécile Sinunvayo, âgée de six ans, est décédée le 10 juillet après avoir contracté le choléra.

Selon les autorités, l’éducation de la population contribuera à régler le problème, mais d’autres préviennent que l’arrêt des livraisons par la MONUSCO ne fera que favoriser le retour en force de l’épidémie.

Depuis le 5 juillet, 3312 cas de choléra ont été signalés à Goma et à Kanyaruchinya. Différents acteurs tels que l’UNICEF, l’USAID, Médecins Sans Frontières et le vice-gouverneur de la province du Nord-Kivu, Feller Lutahichirwa, s’emploient à sensibiliser la communauté à la prévention du choléra en l’absence de solutions durables aux problèmes d’eau.

Le docteur Marius Kasereka Musubao exerçant au Centre de santéde Majengo, établissement de santé local concerné par la mise en quarantaine, prévient que les enfants courent un risque accru.

« Le choléra a affecté de nombreux enfants de moins de 10 ans que nous recevons dans la zone de quarantaine installée au niveau de notre centre », précise-t-il. « En moyenne, nous recevons 10 à 15 personnes par jour en provenance de Kanyaruchinya et d’autres centres de santé confrontés au manque de ressources requises pour traiter l’épidémie ».

Selon Musubao, cette épidémie s’explique par des conditions semblables à celles de la sécheresse face auxquelles de nombreuses personnes ont été contraintes d’utiliser ou de consommer de l’eau non traitée. En réponse, dit-il, ils ont instauré une mise en quarantaine pour isoler les patients et juguler la propagation de la maladie.

« L’idée d’instaurer une zone de quarantaine est née de la volonté d’intensifier la lutte contre l’épidémie en isolant les patients », confie-t-il.

« Cela fait plus de 20 ans que nous recourons à l’eau de pluie», révèle-t-il. « Pas un seul robinet d’eau n’est visible dans le village. Nous comptons sur la pluie comme source d’eau, et quand il pleut, nous recueillons une bonne quantité d’eau qui ruisselle des toits de nos maisons ».

D’après ce qu’il raconte, face à l’absence de toilettes modernes, des trous sont creusés dans le sol pour servir de toilettes de fortune, partagées par plusieurs ménages, rendant les conditions d’hygiène encore plus précaires.

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Esther Nsapu, GPJ DRC

La MONUSCO, mission onusienne de maintien de la paix dans la région, livre 20 000 litres d’eau potable au village de Kanyaruchinya, et ce, deux fois par semaine. La réduction des cas signalés au cours des dernières semaines peut s’expliquer par ces livraisons d’eau, mais les habitants craignent le retour en force de l’épidémie en cas d’arrêt de cette mission philanthropique.

Lutahichirwa, vice-gouverneur de la province, affirme que l’on assiste à la réduction des risques de l’épidémie grâce à l’éducation de la communauté en faveur de la prévention de la maladie notamment la sensibilisation au nettoyage des toilettes et au respect des instructions des agents de santé d’enterrer des corps aussi rapidement que possible.

« La riposte à l’épidémie est en cours et le succès est en vue », assure-t-il.

Mais Joseph Openge, responsable du protocole au sein de la MONUSCO, déclare que c’est grâce aux livraisons par la MONUSCO d’au moins 20 000 litres d’eau potable deux fois par semaine que l’on constate la réduction des cas signalés au cours des dernières semaines. Mais aussi Le respect de l’appel du vice gouverneur qui a appelé les population à laver bien les fruits, se laver correctement les mains au savon ou à la cendre avant de préparer avant de manger, après avoir été aux latrines, après avoir échangé les linges des bébés et avant de faire téter l’enfant, garder les ménages propres surtout les lieux d’aisance, ne pas manipuler les corps de personnes mortes de choléra et suivre les instructions des agents de santé pour l’enterrement digne et non retardé.

Openge soutient que la MONUSCO dispose des moyens logistiques pour aider le village, mais il ne peut donner des précisions quant à la durée des livraisons.

Sinunvayo dit qu’il est temps aujourd’hui pour le gouvernement congolais de remédier à l’absence d’infrastructures hydrauliques de peur que d’autres enfants ne subissent le même sort que sa fille. Selon son voisin, Chichi Mutindi, davantage de vies seront fauchées si le gouvernement ne fait rien contre le problème.

« Nos enfants en font les frais aujourd’hui, et qui sait, peut-être demain ce sera notre tour », prévient-il.

Adapté à partir de sa version originale en français par Ndayaho Sylvestre, GPJ.