KIRUMBA, RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO — Selon Kavis Kasereka, professeur de théologie et doyen à l’Université adventiste de Lukanga, plusieurs membres des communautés en RDC voient leur santé dépérir à cause de l’alcool et du tabac et, face à cette situation, il se refuse à rester les bras croisés.
Kasereka, 54 ans, lutte contre le malheur supplémentaire qui arrive par la dépendance aux drogues et à l’alcool et la violence qu’il permet de perdurer. «Je crois que si les gens réussissaient à dire stop aux drogues, ils parviendraient à vivre en paix», dit-il.
Son programme d’évangélisation de cinq jours porte avant tout sur la pleine conscience, les habitudes saines et la prise en charge de soi. Au premier jour du programme, les participants sont invités à examiner les conséquences de leurs habitudes liées à la drogue. Le deuxième jour, il est procédé à la distribution de savons tout en invitant les participants à nettoyer leurs vêtements et à se débarrasser de tout type de drogue éventuelle à leur disposition. Le troisième jour, ils discutent des moyens de combattre le désir de tabac et d’autres drogues ou d’alcool. Aussi Kasereka leur conseille-t-il de boire plus d’eau et de manger plus de fruits pour rester en bonne santé.
Le quatrième jour, ils entendent les témoignages de ceux qui ont réussi à vaincre la toxicomanie et racontant comment décrocher de la drogue a changé leur vie. Enfin, le cinquième jour, ils discutent des moyens de transformer leur vie en arrêtant l’usage de drogues. Ensuite, ils partagent ensemble un repas sain et s’engagent dans une ambiance de danse. Le dernier jour, chacun d’entre eux termine le programme en s’engageant à ne plus jamais toucher à la drogue.
Chacun d’entre eux se voit également attribuer un mentor qui est un ancien toxicomane ayant pour tâche de l’aider à résister face aux tentations quotidiennes.
À en croire Kasereka, plus de 450 personnes ont bénéficié de ce programme, et parmi eux figurent aussi les habitants de Maboya, Bulongo et Luhutu dans le territoire de Beni ainsi que dans la cité de Butembo. D’autres habitants de la cité de Lubero, et Musienene et Lukanga dans le territoire de Lubero ont eux aussi reçu un traitement. Quelque 168 toxicomanes du Sud-Lubero ont participé depuis juillet 2016, confie-t-il.
Global Press Journal est allé à la rencontre de six de ceux qui ont été encadrés par ce programme pour découvrir le récit sur leurs luttes et victoires.
TADEE KABUYAYA MAFUTA
Père de six enfants, Tadee Kabuyaya Mafuta, 49 ans, dit que l’ivresse lui a attiré des railleries et poussé sa femme à le quitter.
«Les soucis ne s’effaçaient pas dans ma tête », dit-il. «Et comme si cela ne suffisait pas, je me suis heurté à d’autres difficultés. L’ivresse a fait de moi un objet de risée de ma famille. Mes enfants se moquaient toujours de moi car parfois il m’arrivait de faire pipi devant eux. J’étais devenu très sale et mon ivresse était gênant pour ma famille et j’étais surnommé «grand doseur» ou «expert en boisson».
Selon ses dires, Kabuyaya a sombré dans une routine de fumer avant d’aller se coucher et ne pouvait pas dormir sans le faire. Parfois, il faisait des kilomètres à la recherche d’une cigarette. «J’étais devenu esclave», affirme-t-il.
« J’ai aussi gaspillé mon argent. Parfois, je pouvais dépenser 2O $ par jour en alcool alors que mes enfants n’avaient rien à mettre sous la dent», explique-t-il.
Un jour, un ami lui a parlé du programme de Proluto. «J’y suis allé avec une décision ferme», martèle-t-il.
«Aujourd’hui, certains de mes amis me considèrent comme leur ennemi simplement parce que je ne fume plus avec eux», relate Tadee. « Cependant, je ne regrette pas ma décision. Je conseille à tous ceux qui continuent de sombrer dans les bras du tabac et de l’alcool à m’emboiter le pas parce que j’ai retrouvé le bonheur et la sérénité grâce à ma décision de décrocher de l’alcool ».
Aujourd’hui, Kabuyaya explique qu’il s’est débarrassé de la drogue et a repris des travaux agricoles. Cependant, il vit seul, assure-t-il, car sa femme ne veut pas revenir sur sa décision de l’abandonner.
JÉRÉMIE KYAVU
Jérémie Kyavu, 26 ans, cordonnier, affirme qu’il avait du mal à se libérer des chaînes de son désir de boire du nyonyo, alcool fabriqué localement, et de fumer.
Kyavu dit qu’il a participé au programme Proluto suite aux reproches de sa femme. Il dit qu’il était réputé pour être un grand doseur et était confronté à toutes sortes de problèmes qui en résultent.
Chez Proluto, il a retrouvé du courage lorsqu’il a réalisé qu’il n’était pas le seul à avoir le même problème comme il y retrouvé d’autres gens ayant besoin de l’aide. Il n’a plus un faible ni pour l’alcool ni pour la cigarette, dit-il, ce qui lui a permis de mieux gérer son argent.
«Quand je rentre à la maison à la fin de la journée, je peux ramener chez moi un beignet et une tasse de lait pour ma femme et mon enfant», affirme Kyavu. « C’est quelque chose que je ne pouvais pas faire auparavant. »
JONAS KANDAS
Jonas Kandas, 28 ans, affirme s’être adonné à l’alcool et au tabac pendant près de quatre ans par manque de travail régulier.
« Mon objectif était de noyer mes problèmes et mes soucis, mais je n’ai jamais retrouvé la sérénité de l’esprit », dit-il. « Par contre, mes problèmes se sont multipliés. Parfois je me bagarrais avec mes voisins. Parfois il m’arrivait de travailler pour quelqu’un toute la journée pour qu’il me donne rien qu’une bouteille de mangwende (bière locale à 50%), plutôt que de travailler pour ma famille.
Un jour, il a entendu parler de Kasereka et de son programme à la radio. «J’ai décidé d’aller voir cette personne ».
Kandas dit que l’une des astuces lui permettant de résister au tabac et à l’alcool consiste à garder avec lui un morceau de canne à sucre avec lequel il s’amuse chaque fois qu’il se retrouve à côté des amis qui sont en train de prendre de l’alcool ou de fumer.
Il a décroché un emploi de chauffeur de moto-taxi et compte acheter une parcelle pour construire une maison pour sa famille.
«Avant, je dépensais beaucoup d’argent pour l’alcool et la cigarette», reconnaît-il. « Aujourd’hui, j’essaie d’économiser chaque sou que je gagne pour accumuler des sommes importantes ».
KIAKIMWE BUHESE
Kiakimwe Buhese, 26 ans, vendeuse de poissons, dit qu’elle a sombré dans le tabac et l’alcool pendant près de cinq ans avant de s’en libérer.
«En tant que femme mariée, je me sentais gênée car l’alcool m’empêchait de m’acquitter correctement de mes tâches de cuisine et de prendre soin de mes enfants», confie-t-elle. «Ce qui constituait une source de dispute entre moi et mon mari. Malheureusement, mon mari était lui aussi un grand buveur. Nous étions effrayés par les sommes d’argent que nous dépensions pour l’alcool. Croyez-le ou non, nous pouvions réellement dépenser 5 $ à 10 $ par jour.
Aujourd’hui, dit Buhese, ils ont tous deux réussi à dire stop à l’alcool. Cela leur permet de travailler efficacement et elle envisage aujourd’hui de conquérir de nouveaux marchés pour son business de vente de poissons.
« J’ai décidé de ne plus jamais toucher à l’alcool parce que j’ai constaté que plus je buvais, plus ma vie devenait la proie des soucis,» assure-t-elle.
OMBENI KAMBALE MAHAMBA
Ombeni Kambale Mahamba, 22 ans, dit qu’il a commencé à boire depuis l’âge de 12 ans «sous l’influence de l’adolescence ».
«La pression des pairs m’a insufflé la passion pour le tabac et l’alcool», dit-il. Mahamba assure qu’il a été obligé d’abandonner l’école et de passer des nuits dans des caniveaux. «L’usage du tabac ne me faisait toujours que de perdre complétement la tête», regrette-t-il. «Je brillais par un comportement très immoral. … Je ne respectais plus personne, même mes parents».
Aujourd’hui, Mahamba a repris le chemin de l’école. «Ceux qui fument et boivent doivent chercher un traitement, sinon ils risquent de perdre leur vie », conseille-t-il.
ODETTE KAVUGHO SHAUSWA
Odette Kavugho Shauswa, 26 ans, dit qu’elle a commencé à fumer et à boire à l’âge de 16 ans.
Shauswa le faisait, dit-elle, «pour acquérir du prestige. Mais à vrai dire, je n’ai rien gagné du tout ».
Après avoir bu de l’alcool, «je m’exposerais directement aux hommes qui pourraient m’offrir un autre verre», plaisante-t-elle. C’était une sorte d’esclavage.
Après le programme Proluto, dit-elle, elle prend mieux soin d’elle-même et s’est libérée de l’alcool. Elle possède aujourd’hui un petit commerce de vente poissons pour trouver de l’argent devant lui permettre de retourner à l’école.
«Aujourd’hui, je ne prends que des boissons gazeuses», confie-t-elle. « Mes parents ont été heureux d’apprendre ma décision ».
Certaines interviews ont été traduites du swahili vers le français par Merveille Kavira Luneghe, GPJ.
Adapté à partir de sa version originale en français par Ndayaho Sylvestre, GPJ.