KISANGANI, RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO — Veuve et mère de quatre enfants, Wivine Moseka, 40 ans, cultive des légumes dans les petits jardins aménagés sur ses terres. Ces légumes sont presque l’unique source de pitance pour sa famille.
« L’agriculture, c’est ma vie », lâche-t-elle. « Mon défunt mari m’a laissée avec des enfants et c’est mon jardin qui m’aide à les nourrir ».
Et pourtant, l’agriculture ne cesse de devenir une source de survie moins fiable à cause de l’infestation du sol par un ravageur envahissant: sachets.
L’usage de sachets comme emballage est la pratique la plus courante ici. Aussi les voir joncher le sol est chose fréquente. Ces sachets, une fois utilisés, sont enfouis dans le sol, et se font sentir sur la fertilité du sol.
« Je me débrouille tant bien que mal pour subvenir aux besoins de ma famille, mais mes activités sont paralysées par des sachets qui rendent infertile le sol », déplore Moseka.
Munie de sa machette, elle passe des heures à essayer de déterrer des sachets qui se sont enchevêtrés avec le sol. Ces sachets ne lui permettent pas d’avoir de bonnes récoltes.
« Avant, je sarclais mon jardin potager à la main, et mes cultures pouvaient pousser bien grâce au désherbage manuel. Aujourd’hui, au contraire, les sachets submergeant la ville se sont accumulés dans le sol, devenant la bête noire de la fertilité de nos terres », déclare-t-elle. « Mes mains ne pouvant plus tenir lieu d’outil pour les déterrer, l’usage d’une machette reste mon seul moyen fiable ».
Selon les Boyomais, nom donné aux habitants de Kisangani, la ville est submergée par des sachets. Et les agriculteurs locaux, comme Moseka, s’accordent à dire que les sachets produisent un impact direct sur le rendement de leurs jardins potagers partout dans la ville, ce qui touche non seulement leurs familles mais aussi leurs voisins.
« Avant, je pouvais gagner jusqu’à 10 000 francs congolais », révèle Moseka, se référant à ses récoltes d’il y a quelques années. « Mai aujourd’hui, je ne gagne que 1 000 francs congolais. Mes récoltes de légumes en forte baisse est le pire désastre que j’ai jamais connu ».
À Kisangani, chef-lieu de la province de la Tshopo au centre de la RDC, l’usage de sachets comme emballage est la pratique la plus courante. Comme dans beaucoup d’autres pays africains, la loi congolaise interdit l’usage des sachets. Partout, un constat saute à l’œil: contrairement à d’autres pays, comme le Rwanda voisin, la loi est complètement ignorée ici. À en croire les habitants, ils n’ont même pas connaissance de cette loi, et les sachets gisent partout le sol, ce qui entraîne la pollution de l’environnement et influe sur la fertilité du sol.
Soixante-dix pour cent de la population Boyomaise recourent à l’usage de sachets dans leur vie quotidienne, et la gestion des déchets reste un défi permanent pour la ville, déclare Michel Bafoe, conseiller du ministre de l’Agriculture et de l’Environnement. Pourtant, ces sachets contribuent au désastre écologique: entre 10 et 1 000 avant de se décomposer!
« La vérité, c’est que les sachets constituent une menace pour notre sol », annonce-t-il.
Il y a trois ans, Augustin Osumaka, maire, mettait en place une brigade de ramassage des immondices et des déchets en vue d’aider à débarrasser la ville des ordures mais l’initiative peine à avoir un impact sur la quantité de sachets jonchant partout la ville, affirme Bafoe.
Les déchets peuvent avoir un effet dévastateur sur les petits agriculteurs, explique-t-il. Dix pour cent des habitants de Kisangani disposent des jardins pour s’approvisionner en légumes et approvisionner leurs voisins. Kisangani est une ville isolée, accessible par voie aérienne ou via la fleuve Congo, entraînant ainsi la cherté des biens et des aliments importés. Partout dans la ville, les agriculteurs déplorent la baisse du rendement de leurs cultures car le sol, encrassé par des sachets, ne cesse de perdre sa fertilité.
Jonathan Mwadi, étudiant au département d’écologie de l’Université de Kisangani, affirme que non seulement les sachets constituent une menace pour les agriculteurs, mais en plus c’est à cause d’eux que le look de la ville laisse à désirer.
« Je pense que sans sachets usés jonchant le sol, la ville de Kisangani serait l’une des plus belles villes de la RDC », affirme-t-il.
Mais, d’après les commerçants locaux comme Christine Kirongozi qui vend des savons en ville, les sachets sont indispensables à leurs activités quotidiennes.
« Lorsque les clients viennent acheter des savons, je prends un sachet et j’y mets du savon parce que ce sont les seuls matériaux d’emballage à notre disposition », confie Kirongozi.
Maurice Kabamba, habitant du quartier de Kabondo à Kisangani, affirme qu’il est temps que le gouvernement local prenne des mesures pour contrôler la gestion des déchets dans la ville.
« Je pense qu’il faut que les autorités explore les moyens de gérer les déchets pour pallier ce fléau », conseille-t-il.
Pour trouver la solution, l’implication de tous les citoyens est nécessaire, rappelle Bafoe.
Le gouvernement étudie la possibilité de mettre en œuvre de nouvelles mesures d’assainissement, mais les populations locales devront arrêter de jeter négligemment les déchets n’importe où ils passent et apprendre à gérer efficacement les déchets, s’interdisant ainsi de les enfouir dans le sol, affirme-t-il.
Selon Trésor Kanda, étudiant à la Faculté des sciences agronomiques de l’Université de Kisangani, ce n’est que dans les classes que les efforts en vue de la solution devraient commencer.
« Il faudrait que le personnel enseignant à tous les niveaux apprennent aux écoliers et aux étudiants la bonne manière de gérer les sachets en mettant des poubelles à leur disposition et en leur inculquant l’habitude de déposer les déchets au bon endroit », conseille-t-elle.
Adapté à partir de sa version originale en français par Ndayaho Sylvestre, GPJ.