KISANGANI, RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO : Comme pour nombre d’habitants de Kisangani, Fabrice Kasongo était frustré depuis des années par les coupures de courant qui se font fréquentes dans cette ville ayant le statut de chef-lieu de la province de la Tshopo.
Charpentier, il affirme que son travail ne cessait d’accuser du retard à cause de ces pannes et qu’il ne pouvait jamais finir ses projets dans les délais, ce qui lui faisait perdre des clients. « J’étais dépourvue de force à chaque fois qu’il y avait un manque de courant », se désole-t-il. « J’étais dépourvu de force, ce qui rendait ma vie misérable, car c’est la seule source de revenus que j’avais ».
L’année dernière, Kasongo et d’autres habitants ont toutefois trouvé une solution aux problèmes d’électricité que la ville connaît depuis de longue date : un groupe électrogène artisanal baptisé « Njaffa », qui produit de l’électricité à l’aide d’un moteur qui fonctionne au mazout et d’un alternateur relié à un fût d’eau qui permet d’éviter la surchauffe du groupe électrogène.
Aujourd’hui, certains habitants de la ville s’en remettent à ce genre de groupes électrogènes en tant que leur source d’électricité qui fait fonctionner leurs activités quotidiennes. Résultat ? Des vrombissements et des ronronnements assaillent les rues de Kisangani.
« Aujourd’hui, je peux tout grâce au Njaffa », assure Kasongo.
Vivre au rythme des coupures d’électricité, tel est est le lot quotidien qui pèse sur cette ville de plus d’un million d’habitants, et ce, depuis des années. Selon les estimations des autorités, la Société nationale d’électricité (Snel) de la RD Congo dans la Province de la Tshopo produit moins de 10 mégawatts d’électricité, ce qui est loin de satisfaire les besoins en électricité de la région qui sont évalués à 40 mégawatts. La présence, près de Kisangani, de l’un des 11 barrages hydroélectriques dont s’étoffe le pays, c’est ce qui ne fait qu’aggraver la frustration de ces habitants.
Au fil des ans, les autorités gouvernementales – tout comme les habitants de Kisangani– , ont exploré une variété de solutions au problème – une centrale photovoltaïque , peut-être, ou encore une seconde centrale hydroélectrique. Ces projets se sont enlisés dans les dédales de la bureaucratie et les retards de construction liés à la pandémie de coronavirus. Toutefois, il semble qu’une sorte de percée a été réussie grâce aux groupes électrogènes Njaffa.
Selon Modeste Bokombi, chef de la division de l’énergie de la Tshopo, trois des six communes de Kisangani ne comptent plus uniquement sur la fourniture d’électricité par la Snel et ont plutôt commencé à faire recours aux groupes électrogènes Njaffa.
« Comme le secteur de l’électricité est libéralisé, tout Congolais a le droit d’avoir de l’électricité selon son choix », déclare Bokombi. « Nous sommes dans une phase compétitive ».
Un accès fiable à l’électricité faisant défaut malgré une centrale hydroélectrique, Kisangani devient la proie des coupures
Cliquez pour lireLes entreprises aussi variées que les rizeries, les scieries et les maisons d’édition bénéficient de cette manne que sont ces groupes électrogènes. Certaines d’entre elles ont cherché leurs propres groupes électrogènes. D’autres déboursent, pour chaque jour d’utilisation, 2 000 francs congolais au profit des propriétaires de groupes électrogènes.
Des habitants peuvent également utiliser ces groupes électrogènes pour une alimentation fiable en en électricité. « Je suis heureuse d’avoir de l’éclairage chez moi chaque jour », exulte Wivine Gabo, habitante du quartier. « Je me distrais par la télévision et j’écoute l’information en temps voulu ».
Certains habitants restent toutefois sceptiques quant à la capacité de ces groupes électrogènes Njaffa à concurrencer la Snel.
« Ces histoires de Njaffa ne m’intéressent pas. J’attends le courant de la Snel à qui nous payons chaque fin du mois », confie Albert Zoka, charpentier travaillant dans une scierie. « Je n’ai pas la possibilité de payer le courant journalier ».
Et comme les problèmes d’électricité de Kisangani continuent sans relâche, ces groupes électrogènes Njaffa qui gagnent en popularité font que la Snel perd un nombre toujours croissant de clients.
Félicien Aguzu, directeur financier de la Snel à Kisangani, affirme que la société d’électricité ne cesse d’enregistrer des clients locaux. « Quoiqu’il soit une innovation, Njaffa ne pourra pas prendre la place qu’occupe la Snel dans la ville », précise-t-il.
Par contre, Thomas Mesemo Wa Mesemo, ministre provincial de l’Énergie de la Tshopo, estime que les habitants ont raison de recourir à ces groupes électrogènes, en particulier si l’on considère que la Snel a montré son incapacité à fournir une alimentation électronique fiable.
« Cette initiative constitue une alternative efficace pour combler le déficit de fourniture de la société nationale d’électricité », assure-t-il.
Zita Amwanga est journaliste à Global Press Journal et vit à Kisangani, en RDC. Elle est spécialisée dans des reportages sur l’environnement.
Note à propos de la traduction
Traduit par Ndahayo Sylvestre, GPJ.