GOMA, RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO — Dans une petite usine en plein air, Blaise Shamamba verse dans un moule un mélange d’argile, de fibres de palmier, de ciment, de chaux et d’eau avant de les sécher au soleil pendant deux à quatre jours. Shamamba, propriétaire d’un magasin de décoration pour maisons qui sert également de quincaillerie, affirme que le produit de son usine est prisé par ses clients, mais qu’il était autrefois difficilement trouvable à Goma, chef-lieu de la province du Nord Kivu en RDC.
Cela faisait trois ans que Shamamba, 25 ans, s’en remettait à des importateurs pour accéder aux matériaux de construction et aux produits déco pour maisons, notamment des corniches, en provenance de Tanzanie et de Dubaï, pour approvisionner son magasin. Des fois, il se rendait en Chine pour s’approvisionner. Or, la cherté des achats auprès des importateurs posait un défi, et voyager à destination et en provenance de Goma coûtait encore plus cher, déclare-t-il.
En 2015, il a, avec sept de ses amis, commencé à fabriquer ses propres corniches à l’aide des matières approvisionnées localement pour éviter un surcroît de coûts et offrir à ses clients un produit bon marché. Shamamba et son équipe de sept personnes ont créé une mini-entreprise, baptisée Gypsum World.
« Un Congolais a, lui aussi, le droit de vivre dans une maison bien décorée ».
Quoique disponibles à gogo, les matériaux de construction et produits déco pour maisons importés à Goma coûtent trop cher pour certains. Les produits de Shamamba s’offrent à bas prix, mais son équipe a du mal à satisfaire la demande des clients en raison de l’insuffisance de l’espace de production.
Selon l’Observatory of Economic Complexity, un projet réalisé par le Massachusetts Institute of Technology Media Lab, les produits importés par la RDC en 2015 se sont chiffrés à près de 8 900 milliards de francs congolais. Au cours de cette même année, les importations de pierres, de produits céramiques, de tuiles, de verre et autres matériaux parfois utilisés dans la construction se sont élevées à 194 milliards de francs.
La population de Goma est largement tributaire des importations, notamment en raison des années de conflit. Toutefois, l’importation demeure un défi dans cette région du pays, car les routes en piteux état rendent difficiles les déplacements à destination et en provenance de la ville.
L’achat des corniches auprès des importateurs, comme c’est le cas pour d’autres produits vendus à Goma, est souvent coûteux. Pour contourner les pertes, les propriétaires d’entreprise vendent le produit au prix fort, glisse Shamamba. Les corniches importées de Chine se vendent à environ 48 000 francs. Au contraire, Shamamba et son équipe offrent à 24 000 francs un paquet de quatre corniches fabriquées localement.
En moyenne, ils vendent environ cinq paquets de corniches par jour. Un paquet de 10 rosaces, leur deuxième produit le plus vendu fait de la même matière que les corniches, s’offre également à 24 000 francs. Chaque mois, les ventes de l’équipe de Shamamba se chiffrent à environ 8 millions de francs.
Au nombre de leurs clients réguliers figurent les architectes, les constructeurs et les petits commerçants qui vendent ces produits dans leurs magasins, révèle-t-il.
Olivier Mondo, peintre et le partenaire de Shamamba, affirme qu’il recourt aux corniches pour approvisionner des chantiers de construction à Goma. Avant de commencer à s’approvisionner auprès de Shamamba en 2015, Mondo devait se contenter des corniches importées qui, parfois, étaient en rupture de stock dans les magasins de Goma.
« Je fais la vente des matériaux de construction depuis 2013, et aujourd’hui, plus que jamais auparavant, j’enregistre des succès importants », explique Mondo. « Ceci parce que, à mon avis, je peux approvisionner trois chantiers en même temps sans aucun risque de rupture de stock ».
Certains jettent leur dévolu sur les corniches importées, tandis que d’autres les considèrent comme étant de piètre qualité par rapport à celles fabriquées localement par Shamamba. Augustin Kalamo, chef de chantier et client régulier, affirme que contrairement à certaines corniches importées, les corniches de Shamamba ne présentent pas de fissures. Les produits de Shamamba sont utilisés dans des immeubles de bureaux, des maisons et autres projets de construction, dit Kalamo.
Les corniches et les rosaces servent à décorer les plafonds des maisons, révèle Mondo. Aussi, les clients peuvent-ils passer des commandes spéciales pour différentes formes et tailles de leur choix, témoigne-t-il.
Même si la situation s’est améliorée au cours de ces dernières années, l’accès au capital demeure toutefois un défi tant pour Gypsum World que pour d’autres entreprises en RDC, confie Shamamba. Quoique ces produits soient bon marché à fabriquer grâce aux matières facilement disponibles dans la ville, Shamamba déplore l’insuffisance des installations de fabrication qui freine sa capacité non seulement à produire, mais également à faire face à la concurrence avec les propriétaires d’entreprises qui proposent des produits similaires importés. Pourtant, ces installations sont tout ce que Gypsum World peut se permettre aujourd’hui.
« Sécher nos produits nous prend trop de jours, ce qui nous rend incapables d’honorer les demandes de nos clients une fois que les pluies sont fréquentes », explique-t-il.
Adapté à partir de sa version originale en français par Ndayaho Sylvestre, GPJ.