KAMITUGA, RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO – En haut de la colline, des hommes avec des lampes torches attachées à leur front sortent du sous-sol et transportent des seaux en plastique remplis de pierres jusqu’à la rivière. Là, des femmes vêtues de foulards et de tenues traditionnelles kitenge (des tissus aux motifs colorés enroulés autour de la poitrine ou de la taille) attendent de laver, trier et concasser les roches en fines particules, tout cela à la recherche d’un métal précieux : l’or.
Plus de 300 personnes sont réunies dans cette carrière, site de la mine dénommée Calvaire. Il s’agit de l’un des quatre principaux sites miniers autour de Kamituga, une ville minière située dans le territoire de Mwenga, dans la province du Sud-Kivu, dans l’est de la RDC. La plupart des hommes et des femmes sont des exploitants artisanaux, c’est-à-dire des personnes qui ne sont pas employées par une société minière, mais qui se sont mises à leur compte.
Quelque 13 000 personnes travaillent dans les mines autour du village ou dans des entreprises locales qui achètent de l’or et n’engrangent des bénéfices que grâce à la mine.
Pourtant, les activités minières ont été néfastes aussi bien pour la sécurité que pour la santé des orpailleurs, par ricochet pour l’environnement. Des glissements de terrain se sont régulièrement produits, en raison des tunnels creusés par les mineurs à des milliers de mètres sous terre. En décembre, la mine dénommée Calvaire s’est effondrée, tuant plus de 50 mineurs piégés à l’intérieur. Et les femmes qui passent leurs journées à concasser et à tamiser des pierres sont sujettes à des maladies respiratoires, causées par leur exposition continue à la poussière. Parallèlement, la déforestation constitue un problème majeur dans la région, résultat d’une exploitation forestière non réglementée visant à construire des puits de mine et des logements pour les mineurs.
« C’est un travail difficile mais j’ignore toutes les conséquences car ce qui m’importe, c’est la survie de ma famille », a déclaré Muta Munyegelwa, veuve et mère de cinq enfants, qui passe des heures chaque jour à concasser des pierres avec un tuyau métallique. Elle a commencé sa journée de travail avant 6 heures du matin et vers midi, après plus de six heures de travail, elle est visiblement épuisée.
Munyegelwa était autrefois une agricultrice. Mais après que l’érosion du sol dans la région ait endommagé ses terres, elle a décidé de rejoindre d’autres femmes dans l’industrie minière artisanale. Aujourd’hui, elle concasse des pierres depuis six ans et compte sur ce travail pour nourrir et scolariser ses enfants.
Cependant, en décembre, Munyegelwa a commencé à avoir des problèmes respiratoires, se manifestant par des douleurs régulières à la poitrine et une toux fréquente. En février, elle s’est finalement rendu à l’hôpital, où on lui diagnostiqué une tuberculose.
Malgré sa maladie, elle a continué à travailler à la mine.
« Je pensais que la douleur allait disparaître mais ce n’est pas le cas », a-t-elle déclaré. « Je respire de plus en plus mal, mais je n’ai pas d’autre choix que de me forcer à aller travailler », a-t-elle ajouté.
Munyegelwa n’est pas la seule chercheuse d’or dont le travail a eu un impact sur sa santé. Disi Fikiri, directeur des soins infirmiers à l’hôpital général de référence de Kamituga, affirme avoir soigné de nombreux orpailleurs, pour la plupart des femmes. En 2020, l’hôpital a traité 165 femmes souffrant de maladies pulmonaires, contre 77 hommes.
« Ces femmes présentent différentes pathologies telles que la tuberculose et les pneumoconioses », a-t-il expliqué.
La pneumoconiose est une maladie pulmonaire causée par l’inhalation et la rétention de particules de poussière dans les poumons, provoquant des dommages aux organes. La maladie est plus fréquente chez les femmes qui passent leurs journées exposées à la poussière. L’inhalation de particules de poussière expose également les orpailleurs à la tuberculose.
Furaha Mazambi a déclaré que, comme Munyegelwa, elle n’a d’autre choix que de risquer sa vie en cassant des pierres au marteau sur le site minier. « Au moins ici tu viens en sachant qu’à la fin de la journée tu auras un petit quelque chose pour nourrir les enfants », a-t-elle renchéri.
Elle aussi aimerait bien travailler comme agricultrice. Mais l’exploitation forestière intensive dans la région pour soutenir les activités minières a déstructuré le sol, provoquant érosion et désertification. En conséquence, l’agriculture dans la région est devenue impossible.
Pascal Maisha, un exploitant minier artisanal, a affirmé qu’il est impossible d’extraire de l’or sans couper des arbres. Et puisque l’or rapporte tellement plus d’argent que l’agriculture, il est difficile de se soucier de l’environnement. « Nous sommes conscients des conséquences néfastes de notre travail sur l’environnement, mais nous vivons aussi grâce à ce métier d’extraction de l’or », a-t-il ajouté.
Les représentants du gouvernement n’ont pas souhaité s’exprimer sur la situation en cours à Kamituga. Mais César Lugendo, conseiller technique pour le groupe environnemental local Together for a Healthy Environment, a affirmé que l’organisation tente de sensibiliser aux pratiques d’exploitation forestière durable.
« Il y a plus de forêt primaire, la solution est la restauration de la forêt analogue qui consiste à reboiser des nouveaux arbres. Sinon dans 10 ans il ne restera que le désert », a-t-il ajouté.
L’utilisation de machines pour broyer et concasser les minéraux éviterait aux femmes d’inhaler de la poussière toute la journée, a expliqué Emilienne Itongwa Wakubenga, coordinatrice de la coopérative minière des femmes de Mwenga, qui plaide en faveur des femmes qui travaillent sur les sites miniers de la région. Elle a également l’intention de mettre en place une initiative de micro-financement afin que les femmes, travaillant dans les mines puissent bénéficier d’une plus grande sécurité économique.
Pour l’instant, a-t-elle déclaré, les bénéfices tirés de l’exploitation minière ne compensent pas toujours les risques.
« Une femme doit écraser un seau entier de roches pour gagner 5 dollars par jour, et si elle ne parvient pas à extraire de l’or, elle rentrera bredouille, uniquement avec des douleurs dans la poitrine », a-t-elle ajouté.
Pourtant, Munyegelwa a déclaré que malgré sa toux sèche persistante et ses douleurs thoraciques régulières, elle doit continuer.
« Pour nourrir mes enfants, je dois broyer toutes ces pierres », a-t-elle déclaré « je n’ai pas d’autres choix », a-t-elle renchéri.
Noella Nyirabihogo est journaliste à Global Press Journal en poste à Goma, en République démocratique du Congo. Elle est spécialiste des reportages sur la paix et la sécurité.
Note à propos de la traduction
Traduit par Kiampi Kongopi, GPJ.