Democratic Republic of Congo

L’intensification des combats du M23 plonge Goma dans une crise alimentaire

De violents affrontements ont opposé l’armée congolaise et le M23, un groupe armé, dans la province du Nord-Kivu où les populations sont confrontées à une pénurie alimentaire et à la flambée des prix.

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Food Crisis in Goma as M23 Fighting Intensifies

Noella Nyirabihogo, GPJ

Olive Kwiye, qui vend du haricot au marché de Virunga dans la ville de Goma dit qu’elle n’a jamais pratiqué des prix aussi élevés.

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GOMA, RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO : Les jours ordinaires, le marché central de Virunga dans la ville de Goma est grouillant et animé. Véritable labyrinthe de stands couverts de bâches (chargés de poissons salés et fumés, de piles de légumes fraîchement moissonnés, de volailles et de viandes), le marché offre une expérience sensorielle de vues et d’arômes. Il n’est toutefois pas rare aujourd’hui de voir des stands vides et les prix, disent les consommateurs, sont tout sauf abordables.

Dans le sillage de l’intensification des combats avec les Forces Armées de la République Démocratique du Congo (FARDC), l’armée nationale congolaise, le groupe armé M23 s’est emparé de plusieurs cités et villes stratégiques dans la province du Nord-Kivu, se rapprochant de Goma la capitale. Bien que Goma n’ait pas encore été envahie, la route directe entre cette métropole et le territoire de Rutshuru, le poumon agricole du Nord-Kivu, et la frontière de Bunagana, un point de transit pour le commerce transfrontalier entre la RDC et l’Ouganda, a été coupée.

Dans les espaces agricoles de Rutshuru, les produits pourrissent alors que les cultivateurs (comme le reste de la population) se déplacent vers des zones plus sûres. Mais Goma, qui dépend de ces produits, fait face à une sévère crise alimentaire. Alors que les prix des denrées de première nécessité flambent, que les récoltes s’amenuisent et que le prix du carburant grimpe, cette cité de plus de 700 000 âmes, qui en plus est récemment devenue le lieu d’asile d’un grand nombre de personnes déplacées, subit actuellement une insécurité alimentaire galopante.

Un sac de haricot qui en temps normal coûte 100 000 francs congolais (49 $) à Goma vaut désormais 85 $. Un sac de 25 kg (55 lb) de riz qui coûtait 36 945 francs congolais (18 $) vaut à présent 45 155 francs congolais (22 $) ; la farine de maïs qui autrefois revenait à 47 207 francs congolais (23 $) coûte aujourd’hui 55 417 francs congolais (27 $). Olive Kwiye, vendeuse de haricot âgée de 39 ans, dit qu’elle voit pour la première fois dans sa vie une portion de haricot atteindre 3 000 francs (1,48 $). « Depuis que j’ai commencé à vendre des haricots il y a 13 ans, une portion n’a jamais dépassé 2 000 francs (1 $) », affirme-t-elle. « Normalement, pendant la saison de récolte des haricots [comme maintenant], s’il n’y avait pas eu la guerre, le prix aurait été compris entre 1 000 et 1 500 francs (0,49 et 0,74 $). »

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Graphique Par Matt Haney, Gpj

Les affrontements entre les M23 et les FARDC dans le Nord-Kivu en RDC en raison d’apparentes discriminations ethniques n’ont rien de nouveau, mais la reprise des hostilités a provoqué le déplacement d’environ 390 000 personnes au 28 novembre 2022, notamment plusieurs milliers depuis fin octobre, selon le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés. Un porte-parole du M23 parle d’une situation sans précédent dans la mesure où le groupe n’a jamais maintenu pour une si longue durée le contrôle d’une zone aussi stratégique. « C’est notre patrie et nous ne céderons jamais aucune partie de notre territoire », a déclaré le porte-parole Willy Ngoma, au cours d’un entretien téléphonique avec Global Press Journal.

Dans la province du Nord-Kivu, les M23 occupent les villes de Bunagana, Rutshuru et Kiwanja. Le Nord-Kivu, l’une des 26 provinces de la RDC, partage des frontières avec l’Ouganda et le Rwanda. C’est depuis l’Ouganda et par la frontière Bunagana qui traverse le territoire de Rutshuru, que la ville de Goma, de même que plusieurs autres régions de la RDC, sont approvisionnées en denrées de première nécessité telles que le sucre, la farine de maïs, les huiles végétales et le riz. Le poste frontalier et douanier de Bunagana est bloqué depuis le mois de juin, lorsque les M23 ont occupé la zone, des mois avant l’escalade des tensions vers le stade actuel. L’unique frontière ouverte qui pour l’instant assure une liaison entre l’Ouganda et la RDC se trouve à Kasindi, mais elle est bien loin de Goma, à 382 kilomètres (237 miles).

De l’avis de Pépé Mikwa, économiste basé à Goma, le flux commercial passant par Bunagana est extrêmement important, et sa prise, de même que les barrages routiers entre Rutshuru et Goma, étouffent la ville ainsi que sa population. « Je prévois déjà une insécurité alimentaire aiguë dans nos foyers à Goma », dit-il. « Avec le déplacement interne des réfugiés de guerre vers les périphéries de la ville, ainsi que l’augmentation des prix du marché, la population souffre. »

Dès le milieu de l’année 2022, environ 26 millions de personnes en RDC, soit 28 % de la population, étaient exposées à l’insécurité alimentaire, les provinces de l’est étant particulièrement affectées avec 2,08 millions de personnes dans une situation d’extrême précarité alimentaire au Nord-Kivu.

Les consommateurs du marché, exaspérés par les prix actuellement en vigueur, choisissent de restreindre leurs achats. Annuarite Mirembe, mère de sept enfants, a dû réduire la ration alimentaire de sa famille, car, en tant qu’enseignante, elle ne peut pas se permettre d’aller au-delà de son budget. « Avant je pouvais acheter deux poissons, et 2 kg de riz [par jour]. Maintenant, je suis obligée d’acheter moins, » dit-elle. « La vie devient de plus en plus difficile ; nous ne savons pas comment nous en sortir. »

Le Général Sylvain Ekenge, commandant des services de communication et d’information des FARDC, rassure les populations de la région : « l’armée fera tout son possible pour récupérer toutes les zones conquises, et je vous garantis que plus un seul centimètre de notre pays ne sera laissé sous la coupe du M23. »

Montrant de la main un stand vide, Jeanine Sikujua, âgée de 62 ans et vendeuse de poissons depuis plus de 20 ans au marché de Virunga, dit : « Depuis la fermeture de la route, nous, vendeurs des poissons fumés, qui nous approvisionnions au village de Vichumbi, souffrons, car nous ne trouvons rien à vendre. »

Marrion Ngavho, président d’une société civile à Goma dit que son organisation estime que pour le pays, les manques à gagner liés à la fermeture des frontières se chiffrent à des millions de dollars. Il déclare : « La seule solution à la crise alimentaire à Goma est la fin immédiate de la rébellion du M23. » Autrement, affirme-t-il, la vie ne sera que plus difficile pour la population.

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Noella Nyirabihogo, GPJ

À son stand où elle vend du poisson au marché de Virunga à Goma, Jeanine Sikujua explique à sa clientèle pourquoi elle a une sélection réduite.

Noella Nyirabihogo est journaliste à Global Press Journal en poste à Goma, en République démocratique du Congo.


NOTE À PROPOS DE LA TRADUCTION

Traduit par Kouethel Tekam Néhémie Rufus, GPJ.

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