GOMA, RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO – Euphrem Nzanzu, appuyé sur sa canne, sort de sa maison en bois d’eucalyptus. Il se dirige vers une chaise son fils installé à l’avant – un véritable exploit, compte tenu de la forte, lave durcie qui entoure la maison.Cet homme âgé de 80 ans s’assoit et se met à raconter ce que c’est que de vivre à l’ombre d’un volcan.
« Quand j’ai entendu le séisme, je pensais qu’il se passait quelque chose dans les profondeurs de la terre, » dit-il, pointant son doigt vers le Mont Nyiragongo.
Nzanzu a vécu toute sa vie dans le quartier Majengo de Goma, capitale de la province du Nord-Kivu de la République démocratique du Congo. Ce n’est qu’en 1977 qu’il a vu une éruption volcanique pour la première fois quand la montagne déversait les coulées de lave lentes et régulières à travers la région. Il dit qu’il pouvait voir la lave couler.
L’éruption de 2002 était complètement différente.
«L’endroit que nous croyions être le chemin de lave avait changé, » dit-il. « L’éruption provenait de différentes directions. »
Nzanzu vit aujourd’hui dans la crainte d’une troisième éruption.
«Je crois qu’aucun d’entre nous ne pourrait survivre, surtout moi qui ne serai pas en mesure de courir pour me sauver,» dit-il.
Nzanzu n’est pas le seul à vivre dans la crainte. Le séisme du 7 août est ressenti par d’innombrables habitants de Goma comme le début d’une éruption volcanique.
«Je m’endormais lorsque le séisme a surgi. Il n’a duré que quelques secondes mais j’étais complètement paniqué, car il s’agissait d’un message d’avertissement envoyé par le volcan et je crains le bruit du volcan Nyiragongo. »
La RDC regorge d’énormes ressources naturelles, mais elle abrite également deux des volcans les plus actifs de notre planète. Le Nyamuragira et le Nyiragongo sont tous deux situés dans le Parc national des Virunga de la RDC, juste au nord de Goma. Ces volcans sont responsables à eux seuls d’environ les deux cinquièmes des éruptions volcaniques sur le continent africain.
Il appert que les gens qui vivent à proximité des volcans de la RDC sont plus en danger que ceux qui vivent à proximité des volcans aussi actifs que l’on trouve ailleurs. Un rapport publié par l’Organisation mondiale de la santé après l’éruption du Nyiragongo survenue en 2002 a révélé que, en raison de facteurs géographiques spécifiques ainsi que d’une crise humanitaire, les habitants de la région de Goma sont particulièrement vulnérables.
Un écoulement de lave dans le lac Kivu, le long de l’extrémité sud de Goma, pourrait perturber les gisements de dioxyde de carbone et de méthane et ainsi libérer « un nuage de gaz asphyxiant qui pourrait se disperser sur une vaste zone, » lit-on dans le rapport.
Tant que la population locale compte sur le lac Kivu comme leur principale source d’eau potable, une éruption pourrait également être à l’origine d’une épidémie de choléra, indique le rapport. Et les organisations de la société civile sont tellement fragilisées par une « situation d’urgence complexe et chronique» que la planification à long terme en cas de catastrophe devient difficile, souligne ce rapport.
L’est de la RDC est depuis des décennies le théâtre de conflits violents.
Mais la plupart des gens qui vivent dans le chemin des laves de Nyiragongo ignorent les détails scientifiques et socio-politiques liés à une éventuelle éruption volcanique. Ils gardent les souvenirs épouvantables des éruptions antérieures et craignent que cela puisse se reproduire.
Nzanzu et d’autres habitants locaux avaient raison d’avoir peur pendant le séisme du 7 août, dit Katcho Karume, directeur général de l’Observatoire volcanologique de Goma. Ce séisme s’est produit sans aucun dégât majeur, mais il y a un lien entre l’activité sismique et l’activité volcanique, dit-il.
La bonne nouvelle est que, pour l’instant, il est peu probable qu’une éruption soit imminente. Karume dit que les agents de l’Observatoire surveillent de près l’activité du Nyiragongo.
«Nous avons régulièrement étudié le volume de gaz émis et la dilatation des fractures ainsi que l’évolution des magmas et rien n’indique l’imminence d’une éruption volcanique, » dit-il.
Beaucoup de choses ont changé depuis le séisme de 2002, dit Karume. En cas de toute autre éventuelle éruption, la population locale en sera avertie.
En 2002, il n’y avait que deux stations de surveillance de volcans, dit Mathieu Kalire, un agent de l’Observatoire volcanologique de Goma.
On compte aujourd’hui huit stations qui surveillent la chaîne de montagnes et les deux grands volcans.
«Une chose est sûre, aujourd’hui, nous sommes en mesure d’avertir de l’imminence d’une éruption volcanique deux semaines avant qu’elle ne se produise, et ce, grâce à la technologie moderne», dit-il. « Par conséquent, la population ne devrait pas s’inquiéter parce que nous surveillons la situation jour et nuit. »
Un plan d’évacuation pour la région est en cours d’élaboration aujourd’hui, dit Karume. Le personnel de l’Observatoire collabore actuellement avec les ONG et le gouvernement dans l’élaboration de ce plan. Les populations locales seront dirigées vers différents itinéraires d’évacuation en fonction de la direction des coulées de lave. Les agents des huit stations de surveillance reçoivent également une formation leur permettant de savoir ce qu’il faut faire en cas d’une éruption.
La population peut également jouer des rôles de premier plan qui aideront dans le cas d’une évacuation, dit Karume. Bien qu’il affirme que la majorité de la population de Goma n’a pas encore connaissance de ce plan d’évacuation, ils feront une annonce une fois que tout est en place.
«Nous envisageons également d’effectuer des exercices d’évacuation d’urgence, » ajoute-t-il. « Cela se fera avec l’aide de divers dirigeants du quartier afin de savoir comment les gens vont réagir en cas d’une éruption volcanique. »
Un public mieux renseigné saurait également aider les gens à éviter une peur paralysante.
Les gens ont tendance à croire qu’un volcan doit entrer en éruption environ tous les 20 ans, Karume dit, mais cela n’est pas vrai.
«Même s’il existe un intervalle de 25 ans entre l’éruption de 1977 et celle de 2002, cela ne signifie pas qu’il doit forcément y avoir une éruption tous les 25 ans, » dit-il.
Lorsque cette prochaine éruption se produira, dit-il, elle sera plus forte que celle de 2002.
«La ville de Goma est située au-dessus des fractures qui sont en communication directe avec le volcan Nyiragongo, » dit-il. «En outre, le volume des laves du volcan Nyiragongo est vingt fois plus élevé que le volume qui existait en 2002. »
Malgré les assurances de Karume qu’un système d’alerte précoce et celui d’évacuation seront bientôt en place, les habitants ressentent toujours les séquelles du séisme du 7 août.
Aisha Mwajuma, une mère de cinq enfants, dit qu’elle a sauté du lit en entendant le séisme et ensuite réveillé ses enfants pour les sortir de la maison.
«J’avais très peur croyant que c’était le début d’une autre éruption, » dit-elle.
Joseph Mbua, 40 ans, dit qu’il avait peur quand il a ressenti le séisme.
«Il faisait nuit, quand j’ai entendu ma maison trembler; je me suis réveillé immédiatement et prié le Seigneur de nous épargner d’une autre éruption, » dit-il. « En effet, le dernière éruption a détruit tous nos biens. »
La grand-mère de Mbua est morte parce qu’elle ne pouvait pas courir pour se sauver, dit-il. Elle était malade et pesait trop lourd pour être transportée.
«En outre, nous ne disposons pas de véhicule, » dit-il. «Par conséquent, elle est restée dans la maison où elle morte lentement et douloureusement brûlée. »
«Nous avons même pas vu ses cendres, » dit-il.
Ce récit a été traduit de l’anglais par Ndayaho Sylvestre.