KISANGANI, RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO – Avec l’odeur nauséabonde abondante à l’entrée du marché, Dorcas Moseka doit se couvrir nez.
Des déchets sont là depuis des mois, et leur odeur submergent les relents aromatiques de poissons et de viandes grillés vendus au marché central de Kisangani.
Moseka est vendeuse sur ce marché depuis 13 ans. Elle vend des vêtements usés sur un stand avec un petit toit pour protéger ses marchandises de la pluie et du soleil. Chaque matin, elle se rend à son stand et tente de faire barrage à l’odeur nauséabonde.
Quand il pleut, il y a pire encore, confie Moseka. Ici, la saison plus sèche s’étale de décembre à février, mais les pluies sont souvent imprévisibles. Des eaux de pluie traînent des morceaux de déchets errants dans des flaques d’eau boueuses dispersées un peu partout sur le marché. Pour marcher, les clients doivent faire preuve de prudence.
« Nous sommes tous exposés à des conditions malsaines, surtout les jours de pluie », déclare Moseka au sujet des clients et d’autres vendeurs.
Pour vendre ses produits ici, un commerçant possédant un étalage au marché paie 300 francs congolais par jour. Cet argent est destiné à couvrir l’entretien du marché et l’amélioration des infrastructures, mais selon Moseka, cette dernière reste à l‘état de promesse non tenue.
La Société civile de la Tshopo, une organisation des habitants qui vivent au nord-est de la province, facilite aujourd’hui la collecte de la taxe d’étalage et des impôts sur le marché pour rendre le processus transparent et améliorer les conditions du marché.
Kisangani est l’un des principaux centres commerciaux de la province de la Tshopo. Toutefois, le piteux état des infrastructures comme le réseau routier délabré, paralyse l’activité économique sur le marché central public, ouvert depuis plus de 60 ans.
Selon David Yofemo, président de la Société civile de la Tshopo, le marché est fréquenté par 2000 clients chaque jour. Il affirme qu’avec 5 000 vendeurs, le marché peut générer la taxe d’étalage de plus d’un million de francs chaque jour, laquelle somme est, comme il affirme, utilisée par le gouvernement provincial pour couvrir les services publics, y compris l’électricité et le paiement des agents de sécurité qui travaillent sur le marché jour et nuit. À la fin de chaque mois, les responsables perçoivent aussi une taxe de 7 000 francs de la part de chaque vendeur. Cette somme est censée être affectée aux services de collecte d’ordures et de nettoyage.
Les percepteurs d’impôt versent la taxe d’étalage au trésor du gouvernement provincial. La taxe perçue auprès des vendeurs du marché est combinée avec d’autres types de taxes perçues dans toute la province chaque mois, et également versée déposées au trésor.
Alors que les vendeurs se voient promettre certains services pour effectuer ces paiements, le gouvernement détermine la destination de ces taxes dans la province, déclare Modestine Koya, secrétaire de la division de l’économie et des finances du gouvernement provincial.
Koya affirme que le gouvernement provincial n’a pas cessé d’investir dans le marché depuis son ouverture en 1951, ajoutant que la dernière fois que de nouveaux stands ont été ajoutés et que des toits cassés ont été fixés c’était en 2011. À en croire les vendeurs, pourtant, trop de temps s’est écoulé depuis ces rénovations. Quant aux vendeurs, les mauvaises conditions du marché conjuguées à l’incapacité du gouvernement provincial à communiquer l’usage auquel ces taxes sont destinées fait penser à une mauvaise gestion des fonds.
En août, la Société civile de la Tshopo a entamé la supervision de la perception de la taxe d’étalage et des impôts sur le marché afin de s’assurer que les percepteurs d’impôts désignés collectent la taxe de tous les vendeurs du marché et les versent au trésor provincial. Les membres de l’organisation civile font ensuite le relevé du montant des taxes et impôts. Selon Yofemo, cela renforcera la transparence du processus.
Christine Mwaka, vendeuse de tomates, vit près du marché central et affirme que l’insalubrité qui s’y porte bien fait fuir ses clients.
Salama Tuzinde, mère de 10 enfants qui fait ses achats sur ce marché, partage cet avis. Selon elle, elle ne peut que s’inquiéter des conditions insalubres et des risques de ces dernières pour la santé, même si les produits alimentaires y sont bon marché.
« Le marché central a tout ce dont nous avons besoin, et nous ne pouvons pas le rater. Malgré tout, le marché regorge de flaques d’eau stagnante et de flaques de boue et de ravins obstrués par des déchets solides éparpillés, mais nous n’avons pas le choix, car c’est le seul marché qui nous aide à vivre avec notre maigre budget », avoue Tuzinde.
Vicky Bokota, nutritionniste, révèle que les mauvaises conditions sanitaires sur le marché peuvent avoir des conséquences néfastes sur la santé. Les gens peuvent contracter la fièvre typhoïde par l’achat et la consommation des produits de vendeurs souffrant de cette maladie, annonce-t-il. Selon Bokota, avec seulement trois toilettes sales sur le marché pour plus de 5 000 clients, il est probable que les vendeurs ne soient pas en mesure de pratiquer une hygiène complète, ce qui pourrait entraîner une contamination d’aliments.
Quant à Moseka, elle souhaite vendre ses vêtements dans un espace commercial plus propre au centre-ville de Kisangani, mais elle ne peut déménager parce que la taxe d’étalage payée chaque jour et les impôts mensuels sont moins élevés que le loyer qu’elle paierait ailleurs. Selon ses dires, elle gagne à peine assez d’argent aujourd’hui pour prendre soin de ses quatre enfants parce que ses clients réguliers préfèrent faire leurs achats dans les grands magasins et les épiceries qui sont plus propres.
Adapté à partir de sa version originale en français par Ndayaho Sylvestre, GPJ.