KIRUMBA, RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO —Jean Pierre Mbeneke effectue la pesée de l’or sur une table.
Misant sur une balance à deux plateaux, plus connue ici sous le nom de mizani, Mbeneke reçoit même jusqu’à 10 clients par jour, qui sont tous des mineurs indépendants qui viennent le voir avec des poches bourrées d’or.
En moyenne, glisse-t-il, les gens viennent me vendre 2 à 4 grammes d’or à la fois. Il achète de l’or en fonction du cours officiel du jour. Ce jour-là, un gramme d’or se vendait à 35$.
Les hommes doivent parcourir de plus grandes distances pour venir bosser dur dans des mines informelles, dans l’espoir de faire fortune rapidement. Croyant aux mythes modernes de la réussite, les hommes n’arrêtent de venir, affirme Mbeneke.
La RDC, pays doté d’abondantes ressources naturelles, jouit d’un fort potentiel de se classer parmi les nations les plus riches de la planète. Mais la corruption, les systèmes informels et l’ingérence internationale n’ont fait que de contribuer à attirer au pays le malheur de figurer parmi les nations les plus pauvres. Selon les estimations prudentes, la moitié de la population est en proie au chômage et la majorité de cette population est attirée par des promesses d’amasser rapidement une fortune dans des mines informelles ou artisanales. Ainsi, on estime que plus d’un million de personnes travaillent dans ce secteur.
Mais en fait, c’est souvent tout le contraire qui est vrai. De nombreux travailleurs locaux se retrouvent avec des dettes contractées pour pouvoir prendre en charge leurs frais de transport et de subsistance en attendant de réussir leur vie dans les mines. Beaucoup cherchent de l’or à l’aide de leurs propres outils. Certains périssent des suites des problèmes de santé liés à l’activité minière tels que l’intoxication au mercure ou les glissements de terrain. Et les deux sont devenus une réalité quotidienne pour la population.
L’exploitation minière artisanale devient de plus en plus connue comme un piège de la pauvreté plutôt que d’être une opportunité lucrative.
Presque tout le monde en RDC n’a aucun espoir de trouver un emploi bien rémunéré. Chaque année, plus de 9 000 personnes terminent leurs études universitaires, mais moins de 100 jeunes diplômés trouvent un emploi. Même ceux qui ont la chance de trouver du travail affirment que leurs salaires ne suffisent pas pour couvrir les besoins de leurs familles. Selon les données de la Banque mondiale, les employés du secteur public reçoivent un salaire mensuel moyen de 91 $.
Vincent Kambale, négociant en minerais à Kirumba, dit que les jeunes commencent à constater que les récits qui courent faisant état « d’accession rapide à la richesse» par les mineurs sont de la pure fiction.
« Penser que toute personne qui est riche ici l’a été grâce au travail dans des mines est une rumeur non fondée et fait que tous les jeunes aspirent à travailler dans les mines, mais malheureusement beaucoup d’entre eux finissent par y mourir, » déplore Kambale.
Siméon Kamate Musalari, chef d’antenne minière dans la région, affirme qu’il y a un grand nombre de jeunes qui se lancent dans l’activité minière en croyant devenir riche du jour au lendemain.
«Nos jeunes pensent que l’argent vient vite une fois dans les mines, mais ils oublient que rien n’est jamais facile dans notre pays,» constate-t-il. Souvent, il y en a qui y passent plus de 5 ans sans trouver la richesse qu’ils espéraient.»
Mumbere Malikewa, 35 ans, dit que ce qu’il a motivé à embrasser le travail dans les mines est son désir de devenir riche, malgré les dangers. Ce père marié ayant quatre enfants dit qu’il a terminé ses études secondaires sans toutefois être capable de poursuivre les études supérieures. Il a essayé d’embrasser la carrière d’enseignant au primaire, mais il ne pouvait pas survivre avec son maigre salaire même quand ce dernier était payé à temps, ce qui n’était pas souvent le cas.
Malikewa avait le choix: rejoindre un groupe rebelle, devenir un voleur ou aller travailler dans les mines. Et il y a de cela quatre ans.
Il a commencé d’abord à travailler dans la mine de Musigha dans le territoire de Lubero comme creuseur, mais il pouvait passer une semaine sans gagner un centime. Son patron, dit-il, dépensait tout le revenu sans payer ses ouvriers. Après avoir lutté une année durant, il a entendu parler d’un groupe d’hommes allant à Walikale, territoire voisin, et il les a rejoints. Là, il réussit à gagner de l’argent dans les mines de Bisie et de Luvungi, mais pas autant qu’il l’espérait.
Les mineurs artisanaux utilisent souvent des outils rudimentaires ou démodés, comme des houes, des bêches et des barres à mine pour l’extraction des métaux et des minerais tels que l’étain, le tantale, le tungstène et l’or.
En dépit de leur manque de financement ou d’outils réels, les mineurs artisanaux s’organisent en groupes pour tenter de réussir.
«Nous avons des spécialistes localement connus sous le pseudo de « métaneurs » qui, à partir de leur expérience, vérifient en tâtonnant les endroits pouvant produire de l’or. Ils font leur travail sans appareils appropriés, car ils labourent simplement les champs avec une bêche, et c’est le premier résultat du labour qui donne le courage de poursuivre le travail ou non, » dit Malikewa.
Une fois qu’un endroit est jugé susceptible de présenter un potentiel, les mineurs artisanaux approchent les propriétaires fonciers pour obtenir l’autorisation de creuser sur leurs terres. Après être parvenus à un accord, ils peuvent délivrer un permis d’exploitation.
«Leurs droits dépendent du gain ou de la quantité des minerais obtenus,» dit Malikewa.
Les groupes informels de mineurs artisanaux sont généralement constitués d’au moins six hommes, et le succès peut dépendre de la profondeur d’un puits de mine qui a été creusé. Dans un puits de mine qui s’est formé lui-même et où les minéraux sont abondants, dit Malikewa, les groupes peuvent trouver 3 à 5 grammes d’or ou d’autres minerais par jour.
Musalari, chef d’antenne minière à Lubero, encourage les gens à poursuivre l’activité minière artisanale, même si le revenu peut être sporadique. Il est préférable de s’engager dans cette activité au lieu de s’adonner à la criminalité, soutient-il.
« Quel échappatoire peuvent-ils trouver? » demande-t-il. « Le secteur minier offre d’autres moyens de survie pour ceux qui tentent d’éviter de sombrer dans la pauvreté ou de s’adonner au banditisme. »
Traduit de l’anglais par Ndayaho Sylvestre, GPJ.