Un guide illustré de l’évolution de la monnaie du Zimbabwe
LES PERSONNAGES PRINCIPAUX
Le gouvernement zimbabwéen (premier plan)
Les banques (deuxième plan)
Les citoyens (troisième plan)
LEGENDE
Orange: Les taux d’inflation augmentent; Le Zimbabwe utilise sa ou ses propres devises
Vert: Les taux d’inflation se stabilisent ou diminuent ; Le Zimbabwe utilise des devises étrangères
Illustrations de Matt Haney pour Global Press Journal
2003-2006
Les politiques controversées de réforme agraire ainsi que l’inflation font la une dans le pays. Lorsque l’inflation monte en flèche, le coût de l’impression de monnaie dépasse rapidement la valeur de la monnaie. Le chèque au porteur, une monnaie provisoire imprimée sur du papier moins cher, fait son apparition. Pour stimuler la confiance des consommateurs, le gouvernement propose une solution temporaire : une nouvelle version du dollar du pays avec trois zéros supprimés. L’inflation augmente d’un facteur 1000. L’astuce n’a pas fonctionné. Les prix continuent d’augmenter.
«Nous imprimions de l’argent sans vergogne à cette époque. Ils pensaient simplement qu’il serait prudent de supprimer les trois zéros et que cela en ferait une monnaie fonctionnelle », explique Nigel Chanakira, un homme d’affaires local et cofondateur de Kingdom Bank.
2008
Une nouvelle année, un nouveau dollar zimbabwéen. Cette fois gonflés par un facteur de 10 milliards, ces bons remplacent ceux émis en 2006. Au milieu de l’année, l’inflation atteint 89,7 sextillions pour cent. Un billet de 100 trillions de dollars ne couvre pas un ticket de bus.
« Nous étions tous des trillionnaires et des milliardaires qui ne pouvaient même pas acheter deux bouteilles de soda », explique Tendai Biti, un député, se souvenant de 2008.
2009
En réponse, le gouvernement annonce un système multi devises qui permet au dollar américain, au rand sud-africain et à une foule d’autres devises d’avoir cours légal. Désormais pratiquement sans valeur, le dollar zimbabwéen disparaît de la circulation.
« [Les dollars américains] ont stabilisé l’économie. On pouvait trouver des marchandises dans le supermarché et les services ont été rétablis », se souvient Ithiel Munyaradzi Mavesere, professeur d’économie à l’Université du Zimbabwe.
2009-2013
Avec une quantité de devises et un nouveau gouvernement d’unité nationale qui partage le pouvoir entre le parti au pouvoir de longue date, la ZANU-PF, et le parti d’opposition, le MDC, l’économie du Zimbabwe se développe.
Mais à mesure que le dollar américain devient la monnaie de facto, un marché parallèle se développe également. La banque centrale Reserve Bank of Zimbabwe peine à contrôler l’offre de devises.
2013
Après 33 ans au pouvoir, le président Robert Mugabe est réélu sur fond de controverse et son parti, la ZANU-PF, remporte une forte majorité parlementaire, ce qui met effectivement fin au gouvernement d’unité nationale. Le système multidevises demeure, mais la dette publique monte en flèche et la croissance économique du pays s’inverse rapidement.
Sans aucun soutien pour continuer à émettre sa propre monnaie, la banque centrale imprime des milliards de titres à court terme appelés billets d’obligation.
2014-2015
Les dollars américains sont toujours la principale monnaie du pays, mais ils deviennent difficiles à trouver. Sans aucun moyen de contrôler le montant des dollars entrant dans le pays, une pénurie de devises s’installe.
En réponse, le gouvernement zimbabwéen introduit 10 millions de dollars de pièces d’obligations, une autre nouvelle monnaie. Les pièces sont garanties par un prêt de la Banque africaine d’import-export.
2016
Pour atténuer la pénurie, le gouvernement imprime une autre nouvelle monnaie, les billets d’obligations, qui n’ont de valeur qu’au Zimbabwe. Leur valeur est censée correspondre au dollar américain, mais les économistes internationaux ne sont pas d’accord. Le marché noir des devises étrangères est en plein essor.
« Avec le recul, cela ressemble à de l’escroquerie », dit Chanakira. « C’était comme une introduction en catimini de notre propre monnaie ».
2017
Le vice-président du pays récemment démis de ses fonctions, Emmerson Mnangagwa, manigance une prise de pouvoir militaire. L’agitation politique s’empare de la nation tandis que Mugabe est chassé du pouvoir.
Le Parlement adopte l’une des nombreuses lois d’amendement de la Reserve Bank of Zimbabwe (RBZ), qui permet à la banque centrale d’imprimer et d’émettre sans retenue des billets d’obligations.
« La banque centrale s’est mise à imprimer des billets d’obligations à un rythme effréné », se souvient Mavesere.
2018
En octobre, sans avertissement, les Zimbabwéens ayant des dollars américains sur leurs comptes bancaires ont été surpris d’apprendre à leur réveil que leurs dollars avaient été remplacés par une monnaie appelée RTGS, qui est décrite comme des billets d’obligations numériques. La valeur réelle des RTGS chute, en dépit des affirmations selon lesquelles leur valeur était égale au dollar américain. Les personnes ayant des dollars américains dans leurs comptes perdent la majorité de leurs économies. Et les prix à la consommation ont été multipliés par cinq. En conséquence, il s’installe une perte généralisée de confiance dans les banques.
“Retirons notre argent de l’épargne, gardons-le sous l’oreiller”, déclare Chanakira.
2019
En février, le RTGS est introduit en tant que monnaie officielle, désormais appelée dollar RTGS, sous admission que sa valeur n’est pas égale au dollar américain. Le 24 juin, le gouvernement a rebaptisé à nouveau le dollar RTGS, l’appelant le dollar zimbabwéen. Mais cette fois, la nouvelle monnaie n’est pas vraiment nouvelle du tout. Sans ressources pour imprimer de l’argent avec un nouveau design, le dollar zimbabwéen n’est qu’un billet d’obligation.
En juin, les devises étrangères sont interdites, à quelques exceptions près – pour acheter des produits de luxe, par exemple. Mais le luxe n’est pas une priorité pour la plupart des Zimbabwéens, qui se retrouvent à nouveau aux prises avec l’inflation. En août, le gouvernement cesse de publier les taux d’inflation, après que le taux annuel officiel dépasse 175 %.
L’avenir
De nouveaux billets et pièces avec un nouveau design subtil ont fait leurs débuts aujourd’hui. Le nom et le design sont peut-être nouveaux, mais la valeur reste aussi incertaine que jamais.