KIRUMBA, TERRITOIRE DE LUBERO, RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO — La matinée n’est pas encore très avancée, et plus de 100 véhicules – grands camions, motocyclettes et berlines intermédiaires – sont déjà en file d’attente avant que l’heure prévue pour le départ ne sonne.
À 7h30 pile, le convoi se met en route. Des véhicules militaires, certains devant et d’autres derrière cette colonne de véhicules, assurent la protection des conducteurs et des biens. Et le convoi se déplace à pas de tortue.
La petite vitesse irrite, mais ce système de convoi permet aux conducteurs de gagner en sécurité et en tranquillité d’esprit depuis son introduction 2016. « Cette route a toujours été la proie de tous les maux: meurtres, vols et viols. Mais, heureusement, les taux de criminalité sur cette route ont chuté grâce à l’escorte militaire de notre convoi », a déclaré Mumbere Luhavo, 30 ans, camionneur et usager régulier de la route Butembo-Goma.
Des groupes armés ont commis des atrocités contre les voyageurs empruntant cette route et bien d’autres depuis des années. On a assisté à des meurtres, des enlèvements, des vols de biens et des mises à feu de camions.
La violence sur les routes est un aspect de l’insécurité persistante en RDC où des groupes armés continuent d’agir en relative impunité. Des affrontements meurtriers surviennent entre ces groupes eux-mêmes et entre ces derniers et les Forces armées de la République démocratique du Congo, souvent appelées FARDC, pour le contrôle des terres, des ressources naturelles, voire même pour l’accès aux espèces en voie de disparition.
Les FARDC organisent deux convois par jour le long de la route Butembo-Goma en collaboration avec l’Institut congolais pour la conservation de la nature, déclare Jules Ngongo, sous-lieutenant et porte-parole des FARDC. Le système est baptisé « Sokola I » − « éliminer » en lingala, langue commune ici.
« Suite aux menaces de sécurité persistantes signalées sur ce tronçon, il a été mis en place un système de convoi pour protéger la vie des civils à risque et en particulier pour éviter des coupeurs de route, des kidnappeurs et d’autres bandes criminelles », annonce-t-il.
Le système couvre aujourd’hui plus de 300 kilomètres et a permis la réduction des incidents de sécurité d’environ 95 pour cent, révèle Ngongo.
« Pour l’instant, environ six attaques seulement ont été signalées alors que des enlèvements et des meurtres étaient devenus le lot quotidien des usagers de la route. Ces derniers conviendront, j’en suis sûr, avec moi qu’ils voyagent aujourd’hui en toute quiétude ».
Les voyageurs affirment être plus en sécurité en général, mais qu’il subsiste encore des risques de sécurité.
Luhavo, camionneur, constate en revanche qu’aujourd’hui la menace principale se pose pendant la nuit quand les criminels attaquent des voitures sur les routes pour faire des pillages et commettre des actes de violence contre les conducteurs.
Pourtant, il affirme qu’il comprend personnellement combien ce convoi est important.
« J’ai été victime d’un vol par effraction dans mon véhicule à trois reprises sur la route vers Rutshuru », raconte-t-il, faisant référence à un voyage qu’il a fait avant l’introduction du convoi.
Dans un des cas, dit-il, une femme mère à bord d’un camion a été tuée. Au total, affirme-t-il, cinq personnes ont été blessées et plus de 2 000 dollars ont été volés.
Le convoi permet de garantir la sécurité, mais crée également d’énormes embouteillages. Si un seul véhicule tombe en panne, l’ensemble du convoi s’arrête jusqu’à ce que le problème soit réglé.
« Il est des fois où nous arrivons à notre destination avec deux heures de retard, ce qui se fait au détriment de ceux qui voyagent à des fins de commerce », dit-il.
Mais voyager en soi est un luxe aujourd’hui, du moins pour certains.
« Je ne voyageais plus car je craignais pour ma sécurité », explique Abiner Kiveho, usager régulier de la route Kirumba-Goma. « Tout se passe bien aujourd’hui, et je n’ai plus peur de voyager ».
Selon Ngongo, le convoi sera toujours là tant que les conducteurs auront besoin d’être protégés. Mais les conducteurs sont d’avis que la vraie solution est on ne peut plus nécessaire.
« Nous n’allons pas dire qu’il sera toujours possible de maintenir le système de convoi comme notre seule meilleure option, car il reste une mesure palliative et non une solution durable au fléau », explique Katungu Pendeza, enseignante.
Adapté à partir de sa version originale en français par Ndayaho Sylvestre, GPJ.