KIRUMBA, RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO — À l’âge de 17 ans, Love Kanyere a été forcée de se marier contre son gré. Elle avait été mise enceinte par un garçon. Constatant sa grossesse, ses parents ont vite fait de la précipiter chez le garçon dans le village voisin de Kaseghe, et ce, pour arranger le mariage.
Jamais son union ne fut heureuse.
« Mon mari qui disait : tu n’étais pas mon choix. Je t’ai engrossée par accident », raconte Lwanzo, 23 ans. « Il m’a négligée et me tabassait de temps en temps ».
Séparée de son mari, Lwanzo vit aujourd’hui avec ses parents à Kirumba. Quittant son mari, elle a amené leur fils mais plus tard, confie-t-elle, son mari est venu et le lui a pris de force.
Pour elle, fuir son mari violent est un ouf de soulagement, mais ne pas vivre avec son fils bouleverse sa vie.Elle ne cesse de se demander comment son garçon s’en sort sans elle.
Au Nord-Kivu, les mariages forcés sont monnaie courante et les grossesses non désirées sont généralement pointées du doigt. Ici, il est rare qu’une mère adolescente soit donnée en mariage à un homme autre que celui qui l’a mise enceinte.
Selon John Mambeya, enseignant dans la région, une meilleure éducation sexuelle dans les écoles aiderait à éviter ces grossesses, permettant ainsi la baisse du nombre de mariages forcés.
Néanmoins, la grossesse n’est pas seule à porter le blâme. D’autres cas arrivent par le règlement de comptes, révèle-t-il.
« J’ai un oncle paternel qui a été forcé de prendre en mariage une jeune fille de 17 ans par contrainte, parce que la famille de cette dernière nous devait une vache », témoigne-t-il. « La fille ne voulait pas ça. Finalement, leur foyer n’a pas perduré ».
En RDC, le mariage forcé est interdit par la loi, mais celle-ci est peu connue des habitants de la région.
Mumaluku, une organisation de défense des droits des femmes, espère changer cela en faisant savoir au public que cette pratique est non seulement contre la loi, mais aussi une source possible de conflits et d’abandons de famille.
Mumaluku œuvre pour réduire les taux de mariage forcé depuis 2017, explique Devotte Kavira Tsongo, secrétaire de l’organisation. Mumaluku propose également une éducation, des formations et des apprentissages pour encourager les femmes à entrer sur le marché du travail pour se libérer de la dépendance envers leurs familles et leurs maris.
Tsongo anime régulièrement des émissions à la radio et visite des associations de jeunes, des églises et des écoles pour prévenir certains cas possibles de mariage forcé. Aussi Tsongo s’implique-t-elle personnellement lorsqu’elle entend parler de tels cas dans la communauté.
Elle relate le vécu d’une jeune fille de 16 ans qui est tombée enceinte étant encore sur le banc de l’école. Furieux qu’il ait gaspillé son argent pour les frais de scolarité de la jeune fille, le père a enjoint à cette dernière d’aller vivre avec le futur papa et de se marier.
Et lorsqu’une voisine qui avait écouté l’une des émissions de Mumaluku à la radio a entendu ce qui se passait, elle a discrètement demandé à l’organisation d’intervenir.
« Nous y avons fait une descente et nous l’avons convaincue en lui expliquant que la loi n’autorise pas le mariage forcé », explique Tsongo.
Selon Tsongo, elle et ses collègues ont réussi à empêcher le mariage forcé dans 8 des 10 cas que leur organisation a eu à traiter. Aldegonde Kavugho, 50 ans, membre de la communauté de Kayna est l’un de ces cas.
« Ma fille a été engrossée à l’âge de 15 ans », affirme-t-il. « Je l’ai menacée, lui demandant d’aller chez l’auteur de sa grossesse. L’association Mumaluku, s’étant saisie du dossier, est venue baisser ma tension en me faisant comprendre que cela ne pouvait pas servir comme solution ».
« J’ai gardé ma fille jusqu’à l’accouchement et elle a repris ses études aujourd’hui », déclare-t-il.
Justine Kavira est tombée enceinte à l’âge de 18 ans. Elle a épousé le père de l’enfant sous la contrainte de sa mère, révèle-t-elle.
« J’ai été bien accueillie par ma belle-famille, mais mon mari me haïssait », fait-elle savoir. « Il me tabassait ».
En entendant parler de son cas, Tsongo est allée parler à sa mère, mais celle-ci a refusé de lui parler. Mais lors de sa deuxième visite, confie Kavira, elle a réussi à la faire changer d’avis.
« Ma maman a compris et a été convaincue. Elle a accepté que je revienne chez nous ».
Adapté à partir de sa version originale en français par Ndahayo Sylvestre, GPJ.