KISANGANI, RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO — En mai, une forte fièvre s’emparait d’Aron Mukendi, 2 ans. Sa mère, elle, a dû l’emmener à l’hôpital. Six jours se sont écoulés sans aucune amélioration.
La rougeole faisait d’Aron sa proie. Des vaccins, il y en a pour les enfants dans cette ville, mais les parents sont nombreux à s’en méfier. Aron a vu la maladie disparaître, mais l’ambivalence à l’égard du traitement préventif, courante ici, n’a pas épargné sa mère.
« Lorsqu’il y a une campagne de vaccination, je ne m’y intéresse pas », révèle Pétronelle Mayaza, mère d’Aron.
Tous les jours, confie-t-elle, elle quitte sa maison pour aller vendre du poisson fumé sur un marché au bord du fleuve Congo. À son retour à la maison le soir, il est trop tard pour faire vacciner ses enfants.
Une épidémie de rougeole se propage dans plusieurs régions de la République démocratique du Congo, notamment à Kisangani, chef-lieu de la province de la Tshopo. Au cours des cinq premiers mois de 2019, affirme Médecins Sans Frontières, plus de 1 500 décès liés à la rougeole ont été comptabilisés.
Malgré la triste réalité, le refus de nombreux de parents de faire vacciner leurs enfants se confirme.
Face à son apathie, Mayaza rejette la faute sur le manque de temps, mais nombreux de parents font de ce dernier une excuse facile pour passer sous silence leurs frousses profondément enracinées dans les croyances du terroir. D’aucuns, ici, pensent que des vaccinations non payantes contiennent un poison susceptible de faire du mal à leurs enfants à l’avenir. Aux dires des autres, les vaccins peuvent éloigner au loin leurs ancêtres qui, autrement, protégeraient leurs enfants.
Il n’est pas rare de voir des habitants de la RDC résister au traitement préventif y compris les vaccinations. Dans l’est du pays où, d’après l’Organisation mondiale de la santé, une épidémie majeure d’Ébola a fait environ 1 522 victimes, la colère des habitants enfle contre les équipes de riposte contre le virus Ébola. La raison : ces équipes ne les laissent pas pratiquer leurs rites funéraires traditionnels.
À Kisangani, Jérôme Molima, inspecteur provincial de la santé, déclare que le gouvernement congolais collabore aujourd’hui avec l’Organisation mondiale de la Santé pour faciliter l’accès aux vaccins contre la rougeole. À l’en croire, pourtant, bien des agents de santé en savent souvent trop peu sur les vaccins pour en parler suffisamment avec les parents et rien n’est prévu pour vacciner les enfants qui n’ont pas encore été vaccinés.
Selon Bernadette Furaha, ministre provinciale de la Santé de la Tshopo, la vaccination est la seule façon de combattre la maladie.
« Il faut que les parents prennent conscience et se méfient des rumeurs afin de faire vacciner leurs enfants pour mieux les protéger », conseille-t-elle.
Certains parents réagissent favorablement aux programmes destinés à les éduquer au sujet de la santé de leurs enfants.
Pour Annie Kabondo, elle a emmené ses trois enfants dans un centre de santé pour les faire vacciner contre la rougeole, et ce, après avoir appris les dangers de la rougeole lors d’une campagne de sensibilisation sur la santé communautaire.
« C’est une maladie que je crains », avoue-t-elle.
Aux dires de Carine Mafutala, pourtant, le vaccin effraie. Pour elle, il porte en lui du poison.
Mafutala a choisi de ne pas faire vacciner ses enfants, même si la rougeole a ôté la vie de l’une de ses filles à l’âge de 4 ans. Deux de ses autres enfants ont, eux aussi, souffert de la maladie.
À l’en croire, elle n’a aucune idée de la façon dont elle peut aider ses enfants à s’en sortir, mais elle signe et persiste dans son refus de les faire vacciner.
« Depuis que j’ai donné naissance, je n’ai jamais voulu faire vacciner mes enfants, car je n’ai jamais fait confiance à ces vaccins dans ma vie », glisse-t-elle.
Adapté à partir de sa version originale en français par Ndahayo Sylvestre, GPJ.