GOMA, RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO – Dans un enclos bâti en roches volcaniques brutes, des femmes sont assises, certaines sur des nattes et d’autres sur de petites chaises en train de tresser des paniers. L’endroit où se réunissent ces femmes est un centre appartenant à une église et placé sous la supervision d’Alvera Gahinyuza, une religieuse catholique.
«Ici, à Goma, les vieilles mamans souffrent beaucoup car la plupart d’entre elles vivent seules, » déplore Gahinyuza. « Sans le soutien de la part de ceux qui ont le privilège et la chance d’être encore jeunes, nos grands-pères et grands-mères mourront dans la douleur, le chagrin et la pauvreté.»
Le centre de Gahinyuza est placé sous la tutelle de l’organisation religieuse Mouvement Flamme d’Amour du Cœur Immaculé de Marie. Le centre fonctionne au sein d’une église catholique.
Le centre a aidé plus de 300 hommes et femmes âgés, selon Gahinyuza. Ils se rencontrent chaque mercredi pour tresser des paniers, converser et partager un repas.
Gahinyuza, 56 ans, a ouvert le centre en tant qu’orphelinat en 2007, mais avec la prise en charge des enfants par des familles d’accueil ou des proches, elle s’est par la suite intéressée aux personnes du troisième âge. Il arrive parfois que les enfants soient placés dans ce centre en attendant leur prise en charge par des familles d’accueil.
Les hommes et les femmes encadrés par le centre apprennent à tresser des paniers. En cas de vente des paniers, souvent aux femmes qui s’en servent pour le transport de marchandises au marché, les bénéfices permettent à ces personnes âgées de se prendre en charge financièrement. Aujourd’hui, elles s’approvisionnent grâce à leurs bénéfices. Le groupe dispose d’une caisse d’épargne destinée aux situations d’urgence, y compris les soins médicaux et les frais de funérailles et d’enterrement, glisse Gahinyuza.
La plupart des gens qui se rencontrent au centre chaque semaine n’ont plus de familles – elles ont été massacrées dans les conflits qui déchirent encore aujourd’hui la RDC. En RDC comme dans de nombreux autres pays africains, les familles élargies vivent souvent ensemble, parfois avec plus d’une dizaine de personnes dans une petite maison. Ce vivre ensemble étant indispensable à la survie, la vie quotidienne peut s’avérer difficile pour une personne âgée qui perd ses proches.
Certaines personnes âgées isolées sont obligées de quémander dans les rues.
«Les vieux papas et les vielles mamans que nous encadrons ici vivent dans la solitude mêlée d’ennui, car leurs enfants ont été tués dans les guerres civiles et les conflits sans fin dans notre région», dit Gahinyuza.
D’autres ont des fils qui sont dans l’armée, ne pouvant pas ainsi disposer de suffisamment de temps pour s’occuper de leurs familles, témoigne-t-elle.
On trouve dans la ville de Goma et ses environs un certain nombre de personnes âgées qui vivent seules, dit Olive Katunda, chef de bureau chargé de personnes du troisième âge à la Division des Affaires Sociales à Goma.
On ne connaît pas encore le nombre de personnes âgées vivant seules dans la région.
Souvent, personne ne songe à prendre en charge les personnes âgées, dit Gahinyuza.
«Dans notre pays, les personnes âgées semblent avoir été oubliées et abandonnées à leur sort, tout simplement parce qu’elles ont assez de force pour travailler, » dit-elle. « Mais elles sont nos parents et proches et nous avons vu le jour et grandi grâce à elles. »
Gahinyuza, 56 ans, explique la raison pour laquelle elle prend en charge les personnes âgées.
«Je fais tout cela par l’appel de Dieu, » explique-t-elle. «Le Seigneur m’a convaincu de faire cette œuvre de charité et par sa force je ferai tout mon possible pour aider nos vieux papas et vielles mamans.»
Les citoyens âgés de la RDC ont connu beaucoup de traumatismes dans leur vie, dit Michel Mugabo, secrétaire administratif du centre Flamme d’Amour. Mais quand ils passent du temps avec d’autres personnes, ils retrouvent la joie, raconte-t-il.
«Ici, les personnes âgées peuvent discuter et parler avec des amis. Parfois, elles rigolent entre elles et se taquinent, » tient-il à souligner. « On voit vraiment une flamme d’amour et d’espoir dans leurs yeux quand elles sont ici. »
Generose Yonkurije, 84 ans, affirme qu’elle a cédé à la dépression après la mort de ses trois fils au cours des différentes guerres civiles.
«Après la mort de mes enfants, j’ai failli mourir moi aussi, » dit-elle, la voix titubante. «Je ne voulais plus vivre. Mais grâce à ce centre, j’ai retrouvé ma joie.»
Jean Jack Kingombe, 81 ans, estime qu’il vaut mieux mourir que de vivre dans un état de dépendance infantilisante vis-à-vis d’autrui. Il vit avec ses petits-enfants, dit-il, mais ils n’éprouvent aucun respect pour lui.
«Ici au centre, je me sens utile, car je suis payé pour le travail que je fais,» dit Kingombe. «Je me sens revivre malgré mon âge avancé.»
Quand il a un peu d’argent supplémentaire, Kingombe affirme qu’il achète une pipe et une bouteille de bière locale qu’il partage avec ses amis au centre.
Gahinyuza dit qu’elle a besoin de fonds supplémentaires pour l’agrandissement du centre et l’encadrement d’un nombre plus important de personnes. Elle a commencé à collecter des fonds et espère trouver un donateur important.
«Nous envisageons beaucoup de projets à l’avenir, et grâce à l’aide de Dieu, nous pourrons réaliser nos objectifs et les mettre en œuvre, » dit-elle. « Ainsi, nos personnes âgées auront un avenir meilleur malgré les guerres qui les ont fait souffrir et sombrer dans la misère. »
Ce récit a été traduit de l’anglais par Ndayaho Sylvestre, GPJ.