GOMA, RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO — Il n’y a pas si longtemps, un beau porc bien gras pouvait se vendre à 50$.
Avec des groupes rebelles armés qui encerclent ce chef-lieu de province et ses environs, le même porc se négocie aujourd’hui à 350$ ou 400$, affirme Guillain Bishikwabo, 49 ans, vendeur de porcs au marché central de Virunga.
Génerose Kangela, vendeuse de poissons, affirme qu’un tas de poissons salés qui, autrefois, se négociait à 5$ s’acquiert aujourd’hui à 25$, un coût que peu de gens peuvent se permettre, dit-elle.
Pourtant, ce n’est pas ça le pire, dit la mère de sept enfants âgée de 63 ans. Les commerçants qui se déplacent à destination et en provenance des villages locaux pour s’approvisionner risquent de se faire tirer dessus ou d’être violés par des groupes rebelles qui sont maîtres des routes. Parfois, ces groupes imposent aux commerçants des taxes au passage.
«Et comme si tout cela ne suffisait pas, ils nous entraînent au fond des forêts de Rutshuru où ils nous tiennent en otage pour obtenir une rançon», lance-t-elle faisant référence à la zone rurale au nord de Goma.
Tout récemment, un groupe de vendeurs des poissons a réuni 4 000$ pour régler une rançon en vue de sauver la vie de l’un de leurs collègues qui avait été enlevé, déclare Kangela.
Maints agriculteurs qui, autrefois, s’adonnaient au travail des champs en milieu rural ont été forcés d’abandonner leurs récoltes pour se réfugier à Goma.
Aujourd’hui, avec la baisse de la production agricole et la flambée des prix des denrées alimentaires disponibles, les commerçants et les habitants de Goma inondent Gisenyi, ville située de l’autre côté de la frontière au Rwanda, à la recherche de denrées alimentaires à des prix abordables.
«Nous sommes confrontés à la pénurie alimentaire à cause de l’insécurité dans nos villages périphériques», révèle Consolée Kahindo, 34 ans, vendeuse de légumes. «Avant, les gens pouvaient quitter la ville pour aller se procurer de la nourriture au village, mais aujourd’hui ce n’est plus le cas. Les paysans fuient la guerre et les tracasseries des groupes armés dans les villages. Qui va alors cultiver pour nous»?
Des conflits interethniques et des forfaits commis par des groupes armés étrangers ont atteint des niveaux alarmants dans l’est de la RDC, région riche de paysages dont entre autres des sommets, des plaines, des plateaux et des chaînes de montagnes. Les plaines alluvionnaires s’étendent au-dessous des massifs de Rwenzori et de Virunga, créant ainsi un climat à haute altitude propice à la production alimentaire et au pâturage du bétail. Une alternance des saisons humides et de courtes saisons sèches créent un environnement idéal pour des cultures à haut rendement, et non loin de là, le lac Kivu et le lac Edward regorgent de poissons.
Une grande partie de cette richesse naturelle demeure aujourd’hui sous le contrôle des milices violentes.
Selon la Mission de l’Organisation des Nations Unies pour la stabilisation en République démocratique du Congo (MONUSCO), on dénombre aujourd’hui près de 50 groupes armés locaux et étrangers en RDC.
«Ces milices agissent de manière dispersée dans plusieurs villages», explique Félix Prosper Basse, porte-parole de la MONUSCO. «Ils se forment et se déforment en changeant leurs modes d’opérations chaque jour en réponse aux contre-offensives des forces armées congolaises et des troupes des Nations Unies».
Selon l’analyse réalisée à la fin de 2016 à l’aide d’une approche consolidée pour le compte-rendu des indicateurs de la sécurité alimentaire (CARI), environ 60 pour cent des habitants de la province du Nord-Kivu sont confrontés à une situation d’insécurité alimentaire, et 21 pour cent d’entre eux sont confrontés à une situation d’insécurité grave, explique Christophe Ndibeshe, Ministre provincial en charge de l’agriculture et du développement au Nord-Kivu.
Basse, porte-parole de la MONUSCO, estime que son organisation est pleinement consciente de la menace que représentent les groupes armés pour la population civile de la région.
«Nous, la MONUSCO, continuons à les engager et à les neutraliser avec l’aide des forces de sécurité et de l’armée congolaises sur place», confie-t-il. «Nous travaillons en étroite collaboration avec la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs (CIRGL) pour réduire la capacité de nuisance de ces groupes et les neutraliser».
Adapté à partir de sa version originale en français par Ndayaho Sylvestre, GPJ.