KIRUMBA, RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO — Il est 5 heures, et des poissonniers dont le travail s’effectue le long du lac Édouard, l’un des grands lacs africains, sont à la recherche désespérée de stocks halieutiques pour approvisionner le marché local.
Et pour cause; l’eau et toute ressource qu’elle génère sont entre les mains des groupes rebelles actifs dans la région. Non seulement ces forces rebelles Maï Maï, en grande partie responsables de l’instabilité dans le pays, ont coupé des axes commerciaux dans cette partie de la RDC, mais encore elles ont tari les options de bouffe et d’emploi au grand chagrin de la population.
« Le groupe Maï Maï exerce un contrôle rigoureux de la pêche, et nous exige de payer 50 000 francs congolais par pirogue et par semaine », déclare Kambale Nzuva, 34 ans, pêcheur depuis l’âge de 16 ans.
Outre de l’argent cash, les rebelles exigent du poisson pour faire du bouillon et ainsi faire bonne chère à la nuit tombante, confie Nzuva.
Avant que Maï Maï ne prennent le contrôle du lac, la pêche était toujours interdite pendant la saison de frai. Mais aujourd’hui, précise Nzuva, nulle règlementation n’est en place, ce qui a porté un coup dur à la population halieutique.
Avec l’épuisement des stocks de poissons-chats et de tilapias ainsi que de nombreuses autres espèces, cette denrée de base se négocie à prix d’or. Tout comme les marchés des alentours, les marchés locaux n’ont pas grand-chose à offrir.
Le poisson qui se raréfie est un problème aujourd’hui. Mais ce n’est pas le seul. La région regorge de terres agricoles fertiles mais nombreux sont les agriculteurs ayant déserté leurs champs de peur d’y être enlevés contre rançon. Aujourd’hui, il n’est pas rare d’entendre parler de familles forcées de payer une fortune pour retrouver leurs proches, comme il est tout aussi fréquent d’entendre parler d’agriculteurs tués dans leurs champs.
La pénurie de poisson peut être imputable aux seuls rebelles actifs autour du lac, déclare Kaniki Salomon, porte-parole adjoint du Cercle International Pour la Défense des Droits de l’Homme, la Paix et l’Environnement, une organisation activiste locale.
Le succès des efforts militaires déployés pour chasser les rebelles n’ont été que de courte durée. En juin, l’armée congolaise, appuyée par la MONUSCO, force de stabilisation des Nations Unies en RDC, a lancé une offensive contre les groupes armés près du lac, les repoussant à environ trois kilomètres, déclare Kambale Muratusi, élu local. Mais cette victoire ne dura pas longtemps, note-t-il.
« Les groupes armés sont toujours chassés par l’armée, se dispersent et se cachent, puis reviennent pour perturber la vie quotidienne de la population », dit-il.
Reste à savoir jusqu’où ira ce « jeu du chat et de la souris », affirme Muratusi.
Ce sont les enfants qui souffrent le plus, dit Alain Ndungo, agriculteur.
« Ce sont nos enfants qui font les frais de la malnutrition à cause de la pénurie de poisson », dit-il. « Ces groupes rebelles vont nous tuer à petit feu s’ils ne sont pas chassés définitivement de notre région ».
Adapté à partir de sa version originale en français par Ndayaho Sylvestre, GPJ.