KISANGANI, RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO — « Je suis devenu accro », avoue Modeda Isambaboza.
« Il ne se passe par un jour sans que je le renifle », dit-il à propos de son accoutumance au tabac.
Assis dans l’atelier de réparation de frigos, Isambaboza révèle qu’un ami à lui l’a initié au tabac en poudre en tant que remède potentiel contre sa sinusite.
Le tabac produit localement est aujourd’hui devenu une survivance entrée dans le train-train quotidien d’un père de 12 enfants âgé de 57 ans.
« Je dois renifler cette poudre toutes les 10 à 15 minutes », confie-t-il. « Je ne peux plus m’en passer. Je dois tout faire pour trouver de l’argent pour m’en procurer ».
Outre les grains de café verts et le sucre, le tabac, lui aussi, compte parmi les exportations agricoles les plus importantes de la RDC. Il reste un traitement couramment prescrit par des guérisseurs traditionnels contre les maladies courantes tels que la sinusite. De l’avis des professionnels de santé locaux, pourtant, le nombre d’accros est en hausse.
Aux dires des habitants, le tabac reniflé, souvent appelé tabac à priser ou tumbaco par les gens du terroir, devient de plus en plus prisé. Toujours est-il que la consommation du tabac est devenue une routine immuable ici. Selon les résultats disponibles les plus récents de l’enquête démographique et de santé 2013-2014, on enregistre la consommation du tabac chez les 26,5 pourcent des hommes âgés de 15 à 59 ans et chez les 4,1 pourcent des femmes âgées de 15 à 59 ans.
Selon le Dr Marcel Angalo, le tabac sans fumée crée une très forte dépendance et comporte les mêmes risques de santé que les cigarettes. Des risques de cancers, d’hypertension artérielle, de maladies cardiaques et d’accidents vasculaires cérébraux sont tous monnaie courante.
Lolo Ofoili, chef de zone de santé de Kisangani, un réseau de cliniques et d’hôpitaux, confirme que la consommation du tabac séché et moulu fait maison demeure très répandue.
« Autrefois réservé aux personnes de troisième âge, il est devenu aujourd’hui un stimulant psychoactif très prisé chez les jeunes », déclare-t-il.
Le tabac reniflé, affirment les jeunes, est devenu prisé, surtout à l’université locale.
Joseph Tukisu, 26 ans, étudiant à l’Université de Kisangani, la principale université ici, affirme que le tabac en poudre est son remède contre les maux de tête et la fatigue.
« Lorsque la tête ne supporte pas les études, la prudence est de consommer du tabac en poudre », explique Tukisu.
Aussi, le tabac reniflé est-il une habitude chez les personnes âgées.
Simon Asimbo, 75 ans, affirme que le tabac en poudre l’aide à lutter contre la douleur qui émane de son corps vieillissant.
« Le tabac en poudre demeure un médicament contre mes rhumatismes », raconte-t-il.
Selon Ofoili, on assiste au manque d’un centre de prise en charge des toxicomanes et à l’insuffisance de ressources locales nécessaires au traitement de la toxicomanie ici. On ne se contente que de l’éducation et de la sensibilisation.
« Nous voulons un lendemain meilleur pour les jeunes de la province de la Tshopo », rappelle-t-il. « Et pour y arriver, on a entamé un processus de sensibilisation aux effets du tabac en poudre ».
Adapté à partir de sa version originale en français par Ndahayo Sylvestre, GPJ.