Democratic Republic of Congo

Agriculteurs et gardes forestiers bataillent pour le contrôle de la région à la biodiversité la plus riche en RDC

La population croissante du Nord-Kivu a fait des terres fertiles du parc national des Virunga une richesse très convoitée ; mais les personnes qui s’y aventurent pour des activités agricoles le font à leurs risques et périls.

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In DRC’s Most Biodiverse Area, Farmers and Park Rangers Battle for Control

Merveille Kavira Luneghe, GPJ RDC

Le village Kamandi dans le territoire de Lubero, en province du Nord-Kivu. De nombreuses personnes vivant ici dépendent de l’agriculture dans le parc national des Virunga.

LUBERO, RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO : Kahambu Vwiravwameso est cultivatrice ; debout sur les montagnes qui surplombent la région orientale de Kamandi, un village au sud de Lubero, elle peut contempler un pan du parc national des Virunga. Ce parc qui traverse une zone densément peuplée sur les rives occidentales du Lac-Édouard, à l’est de la République démocratique du Congo, est une étendue verdoyante à couper le souffle et dotée d’une riche biodiversité.

Plus de quatre millions d’âmes vivent à moins d’un jour de marche du parc national des Virunga, lequel, selon un rapport publié en 2018 dans le Journal des Études Paysannes (Journal of Peasant Studies), abrite 500 000 hectares (1,2 million d’acres) de terres extrêmement fertiles. L’accroissement de la population rurale dans la province du Nord-Kivu, laquelle a littéralement sextuplé depuis 1960, a fait des plantureuses terres du parc national des Virunga une ressource fortement convoitée.

Certains petits exploitants agricoles locaux cultivent des denrées alimentaires dans le parc pour subvenir à leurs besoins. C’est le cas de Vwiravwameso. Elle cultivait régulièrement une parcelle de trois hectares (7 acres) dans une zone de Ndwali baptisée Marestaurant et qui, affirme-t-elle, ne devrait pas appartenir au parc.

À l’instar d’autres agriculteurs de villages voisins, Vwiravwameso y campait, dans une cabane de fortune, jusqu’à ce que ses cultures soient prêtes pour la récolte.

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Merveille Kavira Luneghe, GPJ RDC

Claude Visika, qui en 2021 a été expulsé de toute activité agricole dans le parc, dit qu’il pense souvent à la « très fertile » parcelle à laquelle il a dû tourner le dos,mais qu’il peut encore contempler depuis son domicile à Kamandi.

« Chaque samedi, mes enfants me rejoignaient au champ où je campais et récupéraient des vivres. La vie était belle. Il y avait abondance de nourriture. Je gagnais beaucoup d’argent, car je récoltais plus de 10 sacs de haricot par saison », confie la cultivatrice âgée de 39 ans.

Puis en septembre 2021, les gardes forestiers de l’Institut Congolais pour la Conservation de la Nature (ICCN), l’agence d’État responsable de la surveillance des parcs nationaux en RDC, l’ont trouvée en pleine activité dans son champ, juste à un moment où ses cultures étaient encore naissantes.

« Ils m’ont chassée avec les autres gens en nous dispersant par des coups de balles », dit-elle.

Vwiravwameso a été contrainte de tout abandonner ; tout le haricot, le maïs, et le manioc qu’elle avait plantés, de même que les poulets qu’elle élevait. Elle a rejoint le reste de sa famille à Kamandi. Étant donné qu’elle comptait exclusivement sur ses récoltes pour prendre soin de ses huit enfants, les nourrir est devenu une véritable gageure. Au cours de cette incursion, l’ICCN a mis le feu aux maisons ainsi qu’aux cultures.

Le même mois, selon un rapport de l’ICCN, ils ont libéré Ndwali de l’occupation de plusieurs groupes armés qui vivaient dans le parc national des Virunga et y exerçaient leurs activités.

Deux mois plus tard, un avant-poste de gardes forestiers remplaçait l’ancien village de Vwiravwameso, comme on peut le voir sur une image satellite. Selon une note écrite qu’a reçue Global Press Journal de M. Olivier Mukisya, chargé de communication du parc national des Virunga, cet avant-poste a pour but de « permettre aux gardes forestiers de rétablir leur présence dans cette partie du parc et de reprendre, comme l’exige la loi, le contrôle d’une zone qui jusque-là était entre les mains de groupes armés. »

L’ICCN est une agence gouvernementale chargée d’assurer la conservation et la gestion durable des parcs nationaux et des réserves naturelles de la RDC. Toutefois, au sein du parc national des Virunga, l’ICCN se trouve sous le contrôle d’une ONG financée par l’Union européenne, et dirigée par un prince belge. Emmanuel de Merode, dont l’aïeul a contribué à la gestion du parc durant la période coloniale, a été le garde en chef du parc national des Virunga et PDG de la Fondation Virunga depuis 2008. Alors que de Merode est un expert en conservation et qu’il a pris des dispositions pour combattre les antécédents de corruption de l’agence, une avalanche de violations des droits humains ont néanmoins un lien avec ses éco-gardes. Pour en savoir davantage, lisez ici nos articles sur l’ICCN et le parc national des Virunga.

Comme Vwiravwameso, de nombreuses personnes à Kamandi et dans les villages avoisinants ont dû subir des expulsions répétées du parc national des Virunga par les gardes forestiers de l’ICCN, une situation qui, disent-elles, leur a ôté l’accès à leurs terres ancestrales, perturbé la production alimentaire dans la région, et favorisé de multiples violations des droits humains.

Leur requête à l’endroit de l’ICCN comporte deux volets : les autoriser à cultiver leurs terres ancestrales, et s’attaquer aux violations présumées des droits humains par les gardes forestiers de l’ICCN.

Environ 9 000 personnes sont expulsées des rives occidentales du Lac Édouard, zones infestées par la maladie du sommeil. Les frontières du parc sont étendues pour englober les zones évacuées.

Avec l’appui du Fonds mondial pour la nature (WWF), l’ICCN expulse sous la menace des armes environ 35 000 personnes de la côte occidentale du Lac Édouard, sans leur offrir la moindre assistance au relogement.

En février, l’ICCN et l’armée ont dégagé de la côte méridionale du Lac Édouard les « foyers de prolifération » de pêcheurs illégaux.

La veille de Noël, l’ICCN a incendié des domiciles à Ndwali, provoquant le déplacement d’au moins 9 300 personnes. Les enquêtes de la MONUSCO ont plus tard établi qu’alors, les gardes de l’ICCN avaient perpétré 63 cas de viols et exécuté quatre personnes à Ndwali.

Ndwali et d’autres villages sont attaqués et pillés par le groupe armé PARECO. Environ 4 000 familles sont déplacées.

En janvier, un conflit entre les forces militaires et un groupe armé provoque le déplacement des populations de Ndwali, qui fuient vers Kamandi.

Les gardes forestiers de l’ICCN déplacent 553 familles de Ndwali, trois mois après une communication radiodiffusée prévenant que toute activité agricole dans le parc national des Virunga est illégale.

En mai, à la suite d’affrontements entre l’armée et le PARECO, les populations de Ndwali sont déplacées, de même qu’en juin à la suite des combats entre les groupes armés Shetani et Nyatura.

Une opération lancée par les forces militaires et les gardes forestiers de l’ICCN contre un groupe armé dans la région cause la mort de 19 personnes à Ndwali.

Les Maï-Maï Mazembe sillonnent la région, imposant des taxes aux pêcheurs et agriculteurs de Ndwali, attaquant l’armée, les gardes forestiers de l’ICCN ainsi que des villages de pêcheurs.

Fin 2018 et début 2019, environ 18 000 personnes sont déplacées de Ndwali et Marestaurant par un groupe armé. Elles cherchent asile à Kamandi-Lac et Kamandi Gite.

Des hommes armés non identifiés minent un terrain à Ndwali, causant la mort de deux personnes et en blessant quatre.

Les gardes forestiers de l’ICCN, avec l’appui des forces militaires, lancent une offensive contre la base d’un groupe armé au village Kyanika

En septembre, suite à un glissement de terrain et à des affrontements entre les gardes forestiers de l’ICCN et un groupe armé, plus de 3 700 personnes sont déplacées de Ndwali et des villages environnants.

En octobre, plus de 1 400 personnes sont déplacées de Ndwali et des villages avoisinants au cours d’une opération militaire conjointe (impliquant les gardes forestiers de l’ICCN) contre le groupe armé Maï-Maï Ngolenge.

Ces éco-gardes quant à eux prétendent que les populations locales ont pris l’habitude de mener des activités illégales comme l’agriculture sur une aire protégée qui par ailleurs est, depuis 1979, inscrite au patrimoine mondial de l’UNESCO.

De l’avis de Jean-Pierre Kasereka Sivamwenda, nutritionniste au sein du centre de santé de Kamandi, il est prouvé que certaines familles à Kamandi peinent à poser de la nourriture à leurs tables, difficulté qui résulterait de ces expulsions récurrentes.

« Nous avons enregistré 183 enfants atteints de malnutrition de janvier 2022 à mars 2023, dont 30 cas sont graves. Ceci arrive parce que la nourriture consommée ici venait des zones d’où les gens ont été chassés », confie Sivamwenda.

« Il [l’ICCN] a mis fin à plusieurs vies, a violé, a incendié des maisons, des écoles, des structures sanitaires, a arrêté des gens et en a blessé d’autres. »Cultivateur

Les populations locales soutiennent que l’ICCN, dans sa lutte pour la protection du parc, a commis diverses violations des droits humains. Paluku Sivihwa, un cultivateur déplacé et vivant actuellement à Kamandi, explique que ces expulsions leur ont coûté bien plus que leurs espaces agricoles.

« Il [l’ICCN] a mis fin à plusieurs vies, a violé, a incendié des maisons, des écoles, des structures sanitaires, a arrêté des gens et en a blessé d’autres. La scolarisation de nombreux enfants a bâclé, car leurs parents ne trouvent plus de moyens », déplore-t-il.

Les gardes forestiers de l’ICCN dans le parc national des Virunga, bien qu’employés de l’État, sont sous la direction de la Fondation Virunga, une ONG financée par la Commission européenne.

Kambale Machokuona Déogratias, un cultivateur qui actuellement vit à kamandi, partage cet avis. Il atteste que les violences infligées par l’ICCN aux populations locales sont phénoménales. Elles incluent des bastonnades, des blessures, voire des assassinats, soupire ce sexagénaire, père de 12 enfants, qui a été déplacé de Ndwali, une zone que l’ICCN prétend appartenir au parc.

Certaines de ces violations ont été bien documentées. En 2013 par exemple, les autorités judiciaires et les représentants de la Mission de l’Organisation des Nations unies pour la stabilisation en République démocratique du Congo (MONUSCO), une mission de maintien de la paix, ont mené une enquête à Kamandi et découvert, entre autres exactions, « 63 cas de viols, au moins quatre exécutions sommaires ainsi que d’autres cas de mauvais traitements ou de tortures, de travaux forcés, de détentions arbitraires, de détentions illégales et de destruction de biens. » Les soldats et les gardes forestiers de l’ICCN étaient présumés responsables de ces violations des droits humains entre décembre 2010 et janvier 2011 dans le village de Ndwali, et ils les ont perpétrées lors d’expulsions de parcelles que les autorités disent appartenir au parc.

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Merveille Kavira Luneghe, GPJ RDC

Kanyere Kamate, qui a également été expulsée de son terrain, est assise dans la cour de sa maison à Kamandi, territoire de Lubero.

Suite aux évictions, Kahindo Maluku est restée traumatisée de façon permanente. Cette femme âgée de 42 ans se souvient de la peine qu’elle a endurée en 2018, lorsque les gardes forestiers de l’ICCN l’ont dépossédée de la parcelle de terre qu’elle avait l’habitude de cultiver.

Ces expropriations se sont étalées sur une période de deux jours. Le premier jour, tandis que ses voisines prenaient la fuite, elle s’est cachée sous de hautes herbes et a tout fait pour éviter les éco-gardes qui avaient déployé un drone pour traquer les personnes qui cultivaient dans le parc. À leur arrivée le jour suivant, ils étaient armés. Elle n’a pas su à quel moment ils ont ouvert le feu. Elle a tout simplement senti l’impact des balles.

« L’une dans la cuisse et l’autre dans la jambe [à hauteur du tibia]. Je suis tombée en syncope et j’ai repris conscience quand j’étais déjà à l’hôpital général de Kayna », dit-elle.

Bien que le Comité international de la Croix-Rouge l’ait évacuée en Suisse où pendant six mois elle a bénéficié de soins avant de rentrer à Kamandi, cet incident l’a laissée handicapée.

« L’application de la loi ne peut à elle seule résoudre ces problèmes profondément enracinés. » Parc national des Virunga

« Les activités humaines comme l’agriculture, la chasse, l’exploitation des arbres sont interdites dans le parc. Voilà pourquoi nous chassons les gens de là. Ce parc est un patrimoine mondial qui doit être bien protégé », explique-t-il.

Malgré plusieurs demandes d’éclaircissements, Bwende n’a pas répondu aux plaintes selon lesquelles les éco-gardes de l’ICCN, dans leurs efforts visant à protéger le parc, auraient perpétré des violations de droits humains.

À travers un courrier électronique, Mukisya affirme que l’agence est légalement tenue de rétablir « l’État de droit, pas simplement de protéger la faune du parc, mais aussi d’éradiquer la présence des groupes armés dans le parc national des Virunga et tout autour, en ayant pour ultime visée la restauration de la paix et de la stabilité dans la région. »

De l’avis de Mukisya, le parc national des Virunga est inextricablement lié au conflit dans la région. « Le trafic de ressources naturelles par des milices armées est largement reconnu comme motif ou ferment de cette extrême violence et de l’insécurité. À cet égard, le parc national des Virunga revêt un intérêt particulier en raison de la valeur exceptionnelle de ses ressources naturelles », renchérit-il.

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Merveille Kavira Luneghe, GPJ RDC

Le centre de santé de référence de Kamandi dans le territoire de Lubero en province du Nord-Kivu. Jean-Pierre Kasereka Sivamwenda, nutritionniste au centre de santé, dit que de nombreux habitants peinent à mettre un repas à leur table.

Les chefs de milices ainsi que « leurs clients puissants et souvent très fortunés » tirent profit de l’extraction illégale des ressources du parc, poursuit Mukisya, et ils y parviennent en exploitant les communautés locales qui entreprennent des activités agricoles au sein du parc, conduite que la loi interdit formellement.

« C’est le cas avec l’acquisition anarchique et illégale de parcelles du parc à des fins agricoles », déclare-t-il, particulièrement dans les zones auxquelles Global Press Journal fait référence dans cet article. Néanmoins, Mukisya confie que l’ICCN reconnaît la sensibilité de cette question et, de ce fait, leurs éco-gardes disposent de directives sur la manière de gérer de telles situations avec la plus grande délicatesse. Dans la plupart des cas, les personnes interpellées sont libérées sans inculpation. Ils passent les récidivistes en justice, tout en veillant à « suivre de très près la chaîne de possession pour s’assurer que les droits des détenus restent protégés. »

Mukisya admet que parfois, « pour reprendre le contrôle de zones autrefois sous l’emprise de groupes armés, les interventions d’éco-gardes pourraient mener à des affrontements directs avec ces groupes armés ainsi qu’à des tensions avec les communautés qui exploitent les ressources desdits domaines. »

Dans de telles situations, même les éco-gardes deviennent des cibles de violence armée, explique-t-il. Depuis le début de la guerre en 1996, plus de 200 gardes forestiers ont perdu la vie à la suite d’attaques de milices. Alors que les interventions sur le terrain sont « encadrées par les principes énoncés dans le droit international relatif aux droits de l’homme », il souligne que cela « n’exclut pas l’usage de la force dans des cas de légitime défense, ou lorsqu’il s’agit de protéger des collègues ou d’autres civils. »

Il ajoute que l’ICCN surveille attentivement l’activité des éco-gardes, et n’a trouvé « aucun rapport d’incidents graves », y compris ceux auxquels Global Press Journal fait référence. Il affirme toutefois que « cela ne signifie pas qu’aucun individu n’ait été interpellé ou escorté hors du parc au cours de cette période, scènes qui sont courantes, mais qu’aucun garde forestier n’a tiré la moindre balle durant ces opérations. »

Au demeurant, « L’application de la loi ne peut à elle seule résoudre ces problèmes profondément enracinés », avoue Mukisya. « Nous sommes conscients qu’à l’heure actuelle, les tensions restent vives eu égard au statut protégé du parc national des Virunga, lequel proscrit un certain nombre d’activités économiques, notamment l’agriculture, au sein du parc national. Le renforcement des relations avec les collectivités et le dialogue actif avec les communautés locales constituent des facteurs clés dans l’apaisement de ces tensions. »

« Tout cela a fait naître un esprit de vengeance dans nos cœurs. » Résident de Kamandi

Entretemps, quelques habitants campent sur leurs positions et continuent à se cacher dans le parc pour protéger leurs moyens d’existence.

Resto Kambale Matina, président de la société civile de Vuhoyo, un organisme à but non lucratif, avoue qu’ils sont en majorité conscients des risques. « Ils se cachent s’ils sentent la présence des gardes-parc. Mais, ils savent que c’est dangereux si on les attrape. Ils travaillent [dans les champs] pendant la nuit et se cachent durant la journée. »

Tout ceci est dû au manque d’alternative quant aux sources de nutrition ou de revenus, explique Matina. « Après avoir été chassés de nos champs, nous n’avons plus de terre favorable à cultiver. Il n’y a que […] des arbres ici et des terres arides. »

Contrariés par ces expulsionsrécurrentes, d’autres résidents ont opté pour des stratégies plus radicales. Âgé de 73 ans et résident de Kamandi, Alphonse Muhindo Kivuno qui compare l’ICCN au groupe armé M23 et aux Forces démocratiques alliées explique que certains agriculteurs, surtout au sein de la population jeune, frustrés par la cruauté de l’ICCN, se sont munis d’armes pour défendre ce qu’ils estiment être leurs droits.

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Merveille Kavira Luneghe, GPJ RDC

Kahindo Maluku pose pour un portrait chez elle à Kamandi. Expulsée du parc en 2018, elle dit que les gardes forestiers de l’ICCN lui ont tiré une balle au pied, la laissant ainsi handicapée.

« Cette institution sans pitié nous a rendu la vie amère en nous chassant […] de nos champs. Tout cela a fait naître un esprit de vengeance dans nos cœurs », admet-il. « Il n’y aura jamais de paix entre nous et l’ICCN. »

Kaniki Salomon, autochtone de Kamandi et défenseur des droits humains en service au Cercle International pour la Défense des Droits de l’Homme, la Paix et l’Environnement (CIDDHOPE), une organisation à but non lucratif, confirme le fait que certains ont décidé de combattre l’ICCN dans l’objectif de défendre ce qu’ils considèrent comme leur terre ancestrale, une prise de position qui a envenimé la situation sécuritaire.

Il ajoute qu’aucune partie du territoire de Lubero n’appartient au parc national des Virunga.

« Le gouvernement doit régler ce problème qui n’a fait que trop durer. Il n’y a pas de parc en territoire de Lubero », clame-t-il. « Nous avons organisé des marches et fait des plaidoyers, mais nous n’avons pas eu gain de cause. Ce que nous voulons, c’est retourner dans nos champs. »

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Merveille Kavira Luneghe, GPJ RDC

Le parc national des Virunga, comme on peut l’admirer depuis les montagnes de Kamandi dans le territoire de Lubero en province du Nord-Kivu. Les populations locales revendiquent le droit de cultiver dans ce parc qui, clament-elles, fait partie de leur patrimoine ancestral.

Pour Emmanuel Muhumburwa, chef du village Kamandi, l’ICCN se rend coupable de sérieuses violations des droits humains en évinçant les populations de leurs terres ancestrales, qu’il identifie au parc. Ce domaine, poursuit-il, appartient aux autochtones.

Claude Visika, dont l’expulsion remonte à 2021, a essayé de cultiver un petit jardin à Kamandi où il vit actuellement. Mais la récolte comble à peine ses besoins.

« Mon grand-père dit qu’il est né dans cette région. Ce n’est pas le parc. En 2004, il y avait des gens qui y vivaient », s’indigne-t-il. « Dans un demi-hectare, mon champ produisait cinq sacs de haricot. Mais, aujourd’hui, la faim ronge ma famille. »

Ce père de cinq enfants confie qu’il pense souvent avec nostalgie à la « très fertile » parcelle à laquelle il a dû tourner le dos,mais qu’il peut encore contempler depuis son domicile à Kamandi.

« Nous vivons par la grâce de Dieu », dit-il. « Nous sommes déjà semblables à des déplacés. L’ICCN a incendié nos récoltes et a détruit nos plantes avec des herbicides. Ce sont des inhumains sans pitié. Je me demande s’ils ne mangent pas de nourriture. »

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Merveille Kavira Luneghe est journaliste à Global Press Journal. Elle vit à Kirumba, en République démocratique du Congo.


NOTE À PROPOS DE LA TRADUCTION

Traduit par Kouethel Tekam Néhémie Rufus, GPJ.