Democratic Republic of Congo

Entre deux maux, de jeunes femmes choisissent le moindre, préférant le risque de stigmatisation lié à la contraception au goût amer que représente la grossesse non désirée au sein de la société

Un programme mis en place par le gouvernemental en me République démocratique du Congo vise l’augmentation du taux de prévalence contraceptive de 19 pour cent, mais les données exactes sur la situation contraceptive actuelle sont difficilement accessibles, car souvent les femmes recourent à la contraception en douce. Une grossesse non désirée peut susciter l’ostracisme, le décrochage scolaire voire même l’abandon de bébés, et nombreuses sont de jeunes femmes qui choisissent le moindre entre deux maux et préfèrent la contraception et son goût amer qu’est la stigmatisation.

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Young Women Risk Stigma Against Contraception to Avoid Social Costs of Unintended Pregnancy

Merveille Kavira Luneghe, GPJ RDC

Des produits médicaux, y compris ceux utilisés dans la pratique contraceptive, posés sur une table dans une salle de planning familial du centre de santé de Kirumba à Kirumba, République démocratique du Congo. Différentes femmes affirment que l’accès aux contraceptifs dont elles ont besoin leur est difficile en raison de la stigmatisation sociale.

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KIRUMBA, RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO — Tombée enceinte à l’âge de 17 ans, elle jure que plus jamais ça ne lui arrivera.

Aujourd’hui mère célibataire à l’âge de 25 ans, elle a un enfant  de 8 ans et sait qu’elle ne doit pas se leurrer: s’accrocher à un tel pari n’est pas chose facile. Et de l’avis des habitants dans cette zone rurale, il est inacceptable qu’une femme non mariée recoure à la pratique contraceptive.

«Pour avoir accès à la contraception, j’étais obligée de voir une infirmière de ma connaissance pour me mettre sous contraception en cachette de peur que personne ne puisse me voir parce que toute tentative par une jeune fille d’utiliser ce genre de choses avant le mariage attirait la honte sur toute la famille», raconte Kanyere.

Kanyere a souhaité que seul son nom de famille soit publié pour l’épargner la stigmatisation associée au recours à la contraception.

Mais malgré cette stigmatisation, le pire serait une autre grossesse. Elle chérit l’espoir de se trouver un mari un jour. Et elle continuera de recourir à la contraception en cachette jusqu’à ce que cet espoir de se concrétise.

«Je ne peux pas supporter de voir ma réputation s’effriter», confie-t-elle.

Les femmes qui se rendent coupables d’interruption volontaire de grossesse peuvent être condamnées à 10 ans de servitude pénale. Et quiconque aide à la réalisation d’un avortement peut, quant à lui, encourir une peine allant jusqu’à 15 ans de servitude pénale.

L’insuffisance de données disponibles en RDC s’explique par le secret entourant la pratique contraceptive chez les femmes non mariées, mais les habitants révèlent que cette pratique est devenue courante et qu’elle contribue ainsi au ralentissement du taux de mortalité maternelle et infantile et à la réduction du nombre d’avortements. L’avortement est illégal en RDC sauf dans le cas où la vie de la mère est en danger.

Les contraceptifs sauvent des vies aujourd’hui, mais les taux de grossesse non désirée restent élevés, déclare Jean Baptiste Nzanzu, infirmier responsable du service de planning familial au centre de santé de référence du CBCA Kirumba. D’après les données de l’Enquête sur la performance, le suivi et la responsabilisation, en 2013, près de la moitié – 48,2 pour cent – de toutes les grossesses dans le pays étaient non désirées alors qu’en 2014, ce nombre se chiffrait à plus de la moitié, soit 56,5 de toutes des grossesses.

Une stratégie de planning familial mis en place par le gouvernement de la RDC en 2014 dans la cadre d’un programme mis en œuvre en partie par l’Université Tulane et financé par une subvention de la Fondation Bill and Melinda Gates, vise l’augmentation du taux de prévalence contraceptive de 19 pour cent au moins d’ici 2020.

En RDC, les données disponibles sur l’avortement sont parcellaires. Les femmes qui se rendent coupables d’interruption volontaire de grossesse peuvent être condamnées à 10 ans de servitude pénale. Et quiconque aide à la réalisation d’un avortement peut, quant à lui, encourir une peine allant jusqu’à 15 ans de servitude pénale.

Dans la région de Kirumba, des récits de bébés trouvés dans des caniveaux et des poubelles attirent l’attention du public.

De jeunes femmes en particulier sont disposées à recourir à la contraception en cachette pour se mettre à l’abri de la stigmatisation sociale.

«Je ne veux pas me retrouver fille-mère. Sinon, je risque d’être négligée dans la société. Aussi la grossesse m’empêcherait-elle de poursuivre mes études,» explique Charmante Kasiwa Mwindiki, étudiante de 19 ans.

Kanyere Syaghuswa, 21 ans, dit qu’elle prie pour que ses parents comprennent pourquoi elle a besoin de pratiquer la contraception. Elle a vu des jeunes femmes de son âge tomber enceintes pour ensuite subir des avortements dans des conditions déplorables.

«Le problème ici est que nos parents et notre entourage ont du mal à comprendre comment une jeune fille peut pratiquer la contraception. Et pourtant, quand elle tombe enceinte, elle devient la risée  de tout le village,» ajoute-t-elle.

 Adapté à partir de sa version originale en français par Ndayaho Sylvestre, GPJ.