Democratic Republic of Congo

La criminalité en hausse dans une ville de la RDC provoque le départ des civils en quête d’un abri dans un camp militaire voisin

À Kisangani, l’une des villes de la République démocratique du Congo, des familles partent à la recherche des endroits où elles peuvent se sentir plus en sécurité de peur d’être la proie de la criminalité en hausse. Plusieurs d’entre elles sont parties vivre dans un camp militaire. Pourtant, ce camp peine à les accueillir faute d’espace.

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Rising Crime Rate in DRC City Drives Civilians to Seek Homes in Nearby Military Camp

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Faute d’électricité, Kisangani plonge souvent dans le noir. Et pourtant, l’un des plus importants barrages hydroélectriques de la République démocratique du Congo se trouve dans cette ville qui subit des coupures de courant qui, aux dires des habitants de cette troisième ville du pays, durent généralement plusieurs heures.

Des journalistes de Global Press Journal ici ont voulu comprendre comment les autorités et les habitants de la ville marient cette situation et la débrouille dans une série en trois volets. Certaines familles choisissant de mettre sur pied un système d’alarme à la fois rapide et pas cher, d’autres habitants de cette ville sont en quête d’une issue.

KISANGANI, RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO — Il y a sept ans, Louise Moke quittait sa maison à la périphérie de la ville de Kisangani pour le camp Ketele. Selon cette mère de cinq enfants, elle a déménagé vers ce camp militaire, à l’est de la ville, après un vol commis dans la maison de leur famille.

Vivre au camp est l’occasion pour Moke de se sentir en sécurité. Aucun voleur armé, confie-t-elle, ne se hasarderait à faire irruption chez elle, sachant que ses voisins sont des militaires.

En tant que civil, Moke n’a généralement pas le droit de vivre dans le camp. Seuls les militaires et leurs proches peuvent y avoir des maisons. Aux dires de Moke, la chance lui a souri. Elle loue une maison appartenant à un officier de l’armée en catimini et dépense chaque mois 50 000 francs de loyer. Elle sera expulsée, si jamais ce secret tombe aux oreilles des responsables militaires. Moke est prête à prendre ce risque. Ma priorité, lâche-t-elle, c’est de m’assurer de la sécurité de ma famille.

Moke n’est pas le seul civil à vivre au camp Ketele. D’autres y ont construit des abris modestes dans lesquels ils ont installé leurs familles avec l’aide de leurs amis qui y vivent déjà. Certains, comme Moke, achètent des terres ou louent des maisons appartenant à des militaires. Selon nombre d’entre eux, ils sont venus au camp de peur d’être la proie de la criminalité en hausse à Kisangani, une ville avec une population estimée à plus d’un million d’habitants.

À en croire certains habitants qui s’installent aujourd’hui dans le camp, les coupures de courant fréquentes sont à l’origine de la recrudescence de la criminalité dans la ville. Lorsque la nuit tombe et que les coupures de courant s’invitent dans certains coins de la ville, des criminels en profitent pour faire irruption dans des maisons.

Selon Albert Tumu, chef de Katako, un secteur proche du camp militaire, nombre d’habitants ayant quitté Kisangani pour vivre dans le camp Ketele au cours de ces dernières années avaient été victimes d’attaques par des voleurs à main armée. Ces crimes violents sont à l’origine de l’arrivée incessante de civils dans le camp.

Si le camp Ketele est un lieu où l’on peut se mettre à l’abri du danger aujourd’hui, ça n’a pas toujours été le cas. Selon l’enquête de Human Rights Watch, ce camp militaire a été le théâtre des massacres tant de civils que de militaires au début des années 2000, lors des combats qui opposaient le gouvernement congolais et les groupes armés soutenus par le Rwanda dans l’est du pays.

Aujourd’hui, les habitants de Kisangani considèrent ce camp militaire comme un havre de sécurité, déclare le colonel Patrick Losako, chargé de l’aménagement et de la logistique au sein des forces armées à Kisangani.

On enregistre au moins 62 maisons de civils dans le camp, affirme Losako.

Réussir le déguerpissement forcé n’est pas chose facile. Losako ajoute que nul ne sait qui occupe telle ou telle autre maison.

Marie Jeanne Mosolo, mère de huit enfants, explique que s’installer au camp a été l’une des meilleures décisions de sa vie.

« Mes enfants et moi sommes venus habiter avec les militaires en quête de sécurité », confie-t-elle. « Voyez-vous, mon mari n’est plus en vie et je dois protéger mes enfants ».

Mosolo affirme avoir construit une maison sur un terrain qu’elle a acheté à un officier militaire.

Il n’est pas rare de voir ou d’entendre parler d’officiers qui vendent des terres ou louent des maisons à des civils, mais cette pratique est intolérable, déclare Albert Masimo, un officier militaire vivant dans le camp. Cela se fait en catimini à l’insu des responsables militaires, ajoute-t-il. S’installer ailleurs est une option dont ceux qui acquièrent des propriétés ici ne veulent pas entendre parler.

Comme le nombre de civils qui s’installent dans le camp Ketele augmente sans cesse, les terres se sont raréfiées et la vie quotidienne n’est plus ce qu’elle était au grand dam de ceux qui ont le droit d’y vivre.

« Ma famille et moi n’avons plus d’espace où prendre l’air frais dans le camp, car tous les endroits où il y avait des espaces sont devenus des maisons construites par des civils », se désole Masimo.

Adapté à partir de sa version originale en français par Ndahayo Sylvestre, GPJ.